L’Etat togolais arrache un consensus in extremis avec ses cotonculteurs en colère contre OLAM

Afriquinfos Editeur
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Lomé (© 2024 Afriquinfos)- Une réunion de concertation réunissant le Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et du développement rural, la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT) et la Fédération nationale des groupements de producteurs du coton du Togo (FNGPC) s’est tenue les 11 et 12 juin 2024 à Lomé. Celle-ci a conduit à trouver un terrain d’entente permettant à la filière cotonnière de retrouver sa sérénité, et ‘’d’assurer la gestion efficiente’’ de la campagne 2024-2025 et ‘’garantir un meilleur revenu aux cotonculteurs’’, informe un communiqué du ministère de l’agriculture.

Trois grandes décisions ont découlé de cette réunion tripartite présidée par le Ministre Antoine Lekpa Gbegbeni.  Il s’agit entre autres du « prix d’achat du coton graine fixé à 300 F CFA par kilogramme, le 1er choix et 280 FCFA le second choix » ; « les engrais NPKSB 12-20-18-5-1 et Urée 46% N sont cédés aux producteurs au prix de 14 000 FCFA le sac de 50 kilogrammes » ; « mettre en place un comité tripartite composé des représentants de la FNGPC, de la NSCT et de l’État togolais (représenté par les ministères chargés de l’agriculture et des finances) pour examiner toutes les questions d’intérêts stratégique pour la filière ».

Celles-ci vont permettre de calmer les ardeurs qui régnaient entre les producteurs togolais de coton et leur partenaire OLAM, du géant groupe singapourien.

Selon le communiqué sanctionnant les travaux de cette réunion tripartite de concertation, ces décisions visent à « soutenir les producteurs dans leurs efforts et à les encourager à améliorer la productivité de leur culture ».

A l’occasion, le Ministre de l’Agriculture, de l’élevage et du développement rural a lancé un ‘’appel à tous les cotonculteurs à poursuivre les opérations d’emblavure et de semis, afin de maximiser les chances de succès de la campagne et à continuer les efforts d’amélioration en cours dans le secteur.

L’origine du grief entre Olam et les cotonculteurs

Au terme d’une longue lutte, les cultivateurs de coton ont exigé le départ de la société OLAM, qui a pris le contrôle du secteur en 2020. Koussouwe Kouroufei, président du Conseil d’administration de la FNGPC, a été ferme dans ses déclarations.

Les cultivateurs ont vivement critiqué la gestion défaillante de la société OLAM, l’accusant d’abus de pouvoir, de pratiques financières louches et de rapatriements illégaux de fonds de la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT). Selon les acteurs de la filière cotonnière, OLAM se montre réticent à toute forme de collaboration avec les cotonculteurs. Depuis son arrivée, seules deux réunions ont été organisées.

Avant l’avènement d’OLAM, un comité regroupant des producteurs, des représentants de l’État et tous les actionnaires décidait conjointement de la date de vente du coton fibre, afin de maximiser les profits pour tous.

« Cependant, depuis l’arrivée d’OLAM, ce comité a été dissous. OLAM détient le monopole de l’achat du coton grain et, lors de la vente du coton fibre, le groupe acquiert la fibre pour la revendre seul. OLAM a le droit d’acquérir jusqu’à 60% de la fibre de coton grâce à un droit de veto sur l’ensemble de la production, laissant les 40% restants aux autres fournisseurs. De plus, OLAM se charge de leur vente« , dénonce Koussouwe Kouroufei, PCA de FNGPC COOP-CA.

La FNGPC a expliqué que par le passé, les producteurs passaient leurs commandes d’intrants par le biais de la Fédération. Désormais, OLAM a le monopole des acquisitions d’intrants, privant ainsi les producteurs du contrôle des marchés publics. La filiale d’OLAM, OLAM-Agri, a vendu les engrais en 2024 selon ses propres critères, imposant ainsi ses prix sur le marché.

Les cultivateurs togolais accusent OLAM de manipuler les chiffres pour donner une image trompeuse de son succès. Ils déplorent une gestion inefficace qui impacte les rendements et les finances. Depuis 2020, le groupe n’a versé aucun dividende aux producteurs, accumulant une dette de 14 milliards de francs CFA, tentant de la faire porter aux producteurs et à l’État togolais.

La FNGPC entretient une double relation avec la NSCT. D’une part, elle collabore en tant que partenaire pour la production et la vente de coton en grain. D’autre part, elle détient 25% des actions de la société cotonnière, aux côtés d’OLAM Internationale (51%) et de l’État togolais (24%).

« Ils se sont octroyés de gros salaires » à OLAM

’Depuis l’arrivée du Groupe OLAM en 2020, aucun dividende ne nous a été versé. Au contraire, le groupe mentionne une dette de 14 milliards de francs. Il tente de faire porter cette dette aux producteurs et à l’État togolais« , a dévoilé Koussouwe Kouroufei, PCA FNGPC COOP-CA, avant d’accuser : « Ils se sont attribué de gros salaires, ce qui a entraîné l’absence de bénéfices à la fin de l’exercice. Cette dette découle également d’une mauvaise vente de coton fibre, bien que le coton fibre togolais soit très recherché sur le marché international’’.

L’organisation accuse par ailleurs OLAM de continuer à acheter le coton à un prix très bas, en refusant d’appliquer le taux de 44 % pour calculer le prix d’achat du coton grain aux producteurs. Elle critique le prix actuel de 274 francs le kilogramme qui ne favorise pas les cultivateurs de coton, dont les dépenses avoisinent les 300 000 francs CFA pour produire un hectare de coton.

La FNGPT COOP-CA rejette également le prix d’achat de la graine de coton fixé à 70 Fcfa alors que la société vend le kilogramme à 185 francs.

« Le prix juste devrait être d’au moins 310 francs par kilogramme cette année, mais OLAM s’est hâté de fixer le prix à 274 francs le kilogramme… Nous produisons simplement pour quelqu’un. Le producteur ne réalise aucun bénéfice et ne reçoit aucun bonus malgré l’augmentation des prix du coton et du coton fibre. Ils sont à la fois acheteurs et vendeurs. OLAM n’a qu’à partir. Nous allons collaborer avec l’État comme par le passé... », a déploré la FNGPC.

Avant l’arrivée d’OLAM, il y avait 153 000 cultivateurs de coton au Togo. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 83 000, ce qui a des répercussions sur les rendements.

Vignikpo Akpéné

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