« Je me considère comme un scénariste professionnel »

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<strong style="margin-right:4px;">© Facebook.</strong>  					Ahmed Ndao

La cin&eacute;aste Mariama Sylla Faye nous avait souffl&eacute; son nom lors d&rsquo;une interview comme &eacute;tant l&rsquo;auteur d&rsquo;un sc&eacute;nario qui avait b&eacute;n&eacute;fici&eacute; de quelques prix &agrave; des festivals.&nbsp; Ahmed Ndao, un nom parmi tant d&rsquo;autres acteurs culturels qui cherchent leur voie, jusqu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;on tombe sur un &nbsp;film bien sp&eacute;cial avec des acteurs chinois&nbsp; et qui circule sur Youtube. Un film au d&eacute;cor tout aussi impressionnant que les images.&nbsp; Il s&rsquo;agit d&rsquo;une com&eacute;die musicale ayant pour&nbsp; th&egrave;mes la trahison, la jalousie etc., dans le milieu de la musique. Sur le g&eacute;n&eacute;rique qui d&eacute;file, &nbsp;le nom de ce S&eacute;n&eacute;galais saute &agrave; l&rsquo;&oelig;il. &nbsp;Qui &ccedil;a peut-il donc &ecirc;tre&nbsp;? Le T&eacute;moin a r&eacute;ussi &agrave; rencontrer l&rsquo;homme qui se cache derri&egrave;re ce nom. L&rsquo;occasion de d&eacute;couvrir un artiste complet qui ne court pas les rues. Interview-portrait.

Le T&eacute;moin&nbsp;: Question un peu complexe tant il est difficile de se d&eacute;finir soi-m&ecirc;me. Qui &ecirc;tes-vous, Ahmed Ndao&nbsp;?

Ahmed Ndao&nbsp;: Je suis un artiste musicien, sc&eacute;nariste. Licenci&eacute; en anglais, j&rsquo;ai enseign&eacute; pendant quelques temps dans une &eacute;cole priv&eacute;e avant de travailler dans une entreprise de t&eacute;l&eacute;communication qui installe des antennes, puis dans une soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;informatique. Passionn&eacute; de lecture, de cin&eacute;ma et de musique, j&rsquo;ai appris &agrave; jouer &agrave; la guitare et &agrave; &eacute;crire des sc&eacute;narii en autodidacte &agrave; travers des documents et, surtout, Internet.&nbsp; Toutefois, le d&eacute;clic a &eacute;t&eacute;&nbsp; l&rsquo;&rsquo;ann&eacute;e blanche de 1988 &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Dakar. Elle a &eacute;t&eacute; pour moi l&rsquo;occasion &nbsp;de vivre mes passions &agrave; fond et d&rsquo;avoir des exp&eacute;riences dans la musique en jouant de la guitare et &nbsp;des percussions dans un groupe de vari&eacute;t&eacute;s musicales &agrave; forte dominance salsa.

D&eacute;j&agrave;, dans les ann&eacute;es 90, je jouais avec des stars de la musique s&eacute;n&eacute;galaise comme Labah Sosseh, les guitaristes Cheikh Tidiane Tall et Latfi Bengelloun, ce dernier jouant au Baobab, Pape Djiby Ba etc. Ces vedettes &eacute;taient &nbsp;venues pr&ecirc;ter main forte &agrave; une &eacute;cole de musique informelle cr&eacute;&eacute;e par M. Garang Coulibaly, inspecteur des sports et ancien directeur du stade L&eacute;opold S&eacute;dar Senghor.&nbsp; C&rsquo;est chez Garang Coulibaly que mes fr&egrave;res&nbsp;Cheikh Ndao, ex&nbsp;- bassiste de Thione Ballago Seck et d&rsquo;Edith Lettner & African Jazz Spirit (Ndlr&nbsp;: ils ont jou&eacute; dans le dernier festival jazz de Saint-Louis 2013) et Mohamed &laquo;&nbsp;Beut&nbsp;&raquo; Ndao, guitariste sur sc&egrave;ne de Souleymane Faye, Carlou D, Doudou Ndiaye Mbengue&hellip; ont fait leurs armes dans le m&eacute;tier de la musique. J&rsquo;&eacute;cris des textes de chansons et un de mes textes en anglais a &eacute;t&eacute; m&ecirc;me enregistr&eacute; aux Etats Unis en 1994.

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Toujours dans ces m&ecirc;mes ann&eacute;es de troubles estudiantins,&nbsp; je faisais le scribe et j&rsquo;&eacute;crivais des sc&eacute;narii pour le compte d&rsquo;un jeune cin&eacute;aste membre des Jeunes Cin&eacute;astes Amateurs du S&eacute;n&eacute;gal, feu Souleymane &laquo;&nbsp;Jules&nbsp;&raquo; Diop, fr&egrave;re de l&rsquo;ancien international de football Pape Malick Diop. Je repr&eacute;sente une soci&eacute;t&eacute; de cin&eacute;ma bas&eacute;e &agrave; Londres que dirige son ami et compatriote Djiby Diallo, r&eacute;alisateur d&rsquo;un projet de film intitul&eacute; Clandestino. Je suis assistant-r&eacute;alisateur et producteur pour le tournage de quelques sc&egrave;nes du film &agrave; Dakar.

En 2003, en ma qualit&eacute; de guitariste,&nbsp; j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; &nbsp;fondateur d&rsquo;un groupe de musique acoustique intitul&eacute; &nbsp;Melokaan Folk avec le guitariste Ndoff&egrave;ne Diouf, le chanteur Modou Tour&eacute;, fils d&rsquo;Ousmane des Tour&eacute; Kunda et les percussionnistes Ass Dieng et Massar. Le groupe se produisait &nbsp;dans les salles de spectacles de la place avant de sortir une maquette qui&nbsp; int&eacute;ressait &nbsp;un producteur et promoteur de spectacles &agrave; Londres. Il a particip&eacute; &agrave; un festival Oy&eacute; Africa &agrave; Liverpool, puis en Espagne au festival d&rsquo;Utopia07 &agrave; Cordoue. Finalement, il s&rsquo;est disloqu&eacute; malheureusement.

En 2005, sur proposition d&rsquo;une id&eacute;e de film de Madame Mariama Sylla Faye, je me suis mis &nbsp;&agrave; l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un long-m&eacute;trage. C&rsquo;&eacute;tait passionnant pour moi puisque je me levais&nbsp; &nbsp;tr&egrave;s t&ocirc;t le matin avant l&rsquo;arriv&eacute;e de mes coll&egrave;gues au bureau pour m&rsquo;y mettre. &nbsp;C&rsquo;&eacute;tait &laquo;&nbsp;Le Silence de L&rsquo;A&iuml;eul&nbsp;&raquo;, un film sur l&rsquo;histoire d&rsquo;un ancien combattant s&eacute;n&eacute;galais de la deuxi&egrave;me guerre mondiale, qui a &nbsp;b&eacute;n&eacute;fici&eacute; d&rsquo;un atelier de r&eacute;&eacute;criture du sc&eacute;nario gratuit en deux sessions au Maroc puis en Tunisie et &nbsp;offert par Sud Ecriture de Dora Bouchoucha et Annie Djamal avec comme sc&eacute;nariste conseiller et cin&eacute;aste Emmanuel Bourdieu (fils du sociologue Pierre Bourdieu). Ce m&ecirc;me sc&eacute;nario a &eacute;t&eacute; &nbsp;aussi prim&eacute; en 2007 &agrave; un atelier de d&eacute;veloppement intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Faire Du Film Sur Du Papier&nbsp;&raquo; au Burkina Faso avec une bourse de r&eacute;&eacute;criture de 7&nbsp;500 &euro; offerte par l&rsquo;Institut LUCE (Cinecitt&agrave;) d&rsquo;Italie.

Inspecteur Rock, Agent Oyou (Série Burkina Le Commissairiat de Tampi) Moussa Seydi réalisateur et Ahmed Ndao avec mon chèque échantillon du prix de Luce
Inspecteur Rock, Agent Oyou (S&eacute;rie Burkina Le Commissairiat de Tampi),
Moussa Seydi (r&eacute;alisateur) et Ahmed Ndao avec son ch&egrave;que &eacute;chantillon du prix de Luce,
Photo Facebook Ahmed Ndao

En 2009, encore une fois, &laquo;&nbsp;Le Silence de L&rsquo;A&iuml;eul&nbsp;&raquo;&nbsp; a &eacute;t&eacute; prim&eacute; pour une bourse de d&eacute;veloppement de la production de 5&nbsp;000 &euro; par TV5 Monde, lors du PANAF d&rsquo;Alger.

Je contacte aussi par Internet des r&eacute;alisateurs, producteurs de cin&eacute;ma pour proposer mes &oelig;uvres. Ce qui m&rsquo;a permis de collaborer avec Frank Pitussi, accessoiriste dans Case D&eacute;part, film fran&ccedil;ais de Thomas Ngijol avec Fabrice Ebou&eacute;, dans l&rsquo;&eacute;criture de sc&eacute;narii pour film d&rsquo;horreur et d&rsquo;&eacute;pouvante. C&rsquo;est ainsi que j&rsquo;ai &nbsp;rencontr&eacute; sur Internet Lawrence Gray, un Anglais vivant &agrave; Hong Kong et parfois Hollywood,&nbsp; avec qui&nbsp; je collabore pour l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une s&eacute;rie t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e sur l&rsquo;histoire de musiciens africains s&eacute;journant en Angleterre. En 2011, Lawrence m&rsquo;a&nbsp; propos&eacute;&nbsp; l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un sc&eacute;nario court-m&eacute;trage avec comme toile de fond la soci&eacute;t&eacute; chinoise. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;est n&eacute; Queen Of queen Street, film court-m&eacute;trage r&eacute;alis&eacute; par Lawrence Gray et des acteurs chinois.&nbsp; J&rsquo;ai connu Lawrence par Internet, alors qu&rsquo;il animait un groupe de sc&eacute;naristes chasseurs de t&ecirc;tes. On les appelle des talent scouts en anglais.

Queen of Queen Street, © Youtube

Justement, vous vous pr&eacute;sentez dans le film&nbsp;&laquo;&nbsp; Queen of queen street&nbsp;&raquo;&nbsp; qui circule sur Youtube &nbsp;comme un sc&eacute;nariste pour film chinois. &Ccedil;a veut dire quoi&nbsp;?

Pour lever toute &eacute;quivoque, en fait, c&rsquo;est un titre qu&rsquo;un site Internet m&rsquo;a attribu&eacute; lors de la sortie du film en &eacute;crivant &laquo;&nbsp;sc&eacute;nariste s&eacute;n&eacute;galais pour film chinois&nbsp;&raquo;. J&rsquo;ai juste &eacute;crit un sc&eacute;nario comme j&rsquo;en &eacute;cris d&rsquo;autres. M&ecirc;me si je pense pouvoir en &eacute;crire d&rsquo;autres pour la Chine, je ne suis pas sp&eacute;cialement sc&eacute;nariste pour film chinois. Car, j&rsquo;ai &eacute;crit pour des gens de diff&eacute;rentes cultures et ils ont appr&eacute;ci&eacute; mon travail.

Dans quelles circonstances &ecirc;tes-vous arriv&eacute; &agrave; &eacute;voluer dans l&rsquo;univers cin&eacute;matographique chinois&nbsp;?

En fait, de par mon travail je me connectais toujours sur Internet, j&rsquo;y passais des heures au bureau et m&ecirc;me &nbsp;&agrave; la maison, non seulement pour me documenter sur le cin&eacute;ma, mais aussi pour proposer mes sc&eacute;narii, synopsis ou id&eacute;es de film.

Quand vous &eacute;crivez o&ugrave; vous situez-vous par rapport &agrave; votre culture africaine&nbsp;?

Comme la musique, le cin&eacute;ma est un langage universel, mais puisque c&rsquo;est le reflet d&rsquo;une culture cela aura&nbsp; forc&eacute;ment &nbsp;des diff&eacute;rences dans la conception et la r&eacute;alisation. Puisque le cin&eacute;ma est aussi question de moyen, de budget colossal, il y aura certainement une diff&eacute;rence pour faire du cin&eacute;ma qu&rsquo;on soit en Afrique ou en Chine.

&nbsp;Vous pr&eacute;sentez-vous pour autant &nbsp;comme un cin&eacute;aste africain&nbsp;?

Je ne pense pas &ecirc;tre cin&eacute;aste, mais sc&eacute;nariste. Pour moi le cin&eacute;aste, c&rsquo;est le r&eacute;alisateur du film, le compositeur de l&rsquo;&oelig;uvre, pour utiliser une expression famili&egrave;re &agrave; ma passion qu&rsquo;est la musique.

&laquo; Queen of queen street&nbsp;&raquo;&nbsp;se pr&eacute;sente dans un environnement typiquement chinois&hellip;

En fait, j&rsquo;ai eu une &eacute;ducation particuli&egrave;re pour ne pas dire background, terme anglais beaucoup plus large qu&rsquo;&eacute;ducation qui est pour ma part tr&egrave;s r&eacute;ducteur. S&eacute;n&eacute;galais, n&eacute; dans les ann&eacute;es 60,&nbsp; nous lisions des bandes dessin&eacute;es&nbsp; du genre Picsou, Zembla, Zagor, Pif, &nbsp;des romans, des magazines &eacute;trangers. On regardait des films am&eacute;ricains, hindous, fran&ccedil;ais, chinois&nbsp; et j&rsquo;&eacute;tais m&ecirc;me fan de Bruce Lee etc.&nbsp; J&rsquo;&eacute;coutais du rock, du reggae et cela nous donnait une certaine culture que l&rsquo;ancien pr&eacute;sident s&eacute;n&eacute;galais comprenait si bien en le th&eacute;orisant enenracinement et ouverture. C&rsquo;est cette ouverture d&rsquo;esprit qui m&rsquo;a permis d&rsquo;&eacute;crire Queen Of queen Street o&ugrave; l&rsquo;Afrique n&rsquo;est pr&eacute;sente que par mon nom. Je me veux &ecirc;tre&nbsp; un sc&eacute;nariste professionnel, ce&nbsp; qui n&rsquo;existe presque pas dans ce pays&hellip; et j&rsquo;&eacute;cris en fonction d&rsquo;une cible choisie. J&rsquo;&eacute;cris des films d&rsquo;horreur, de com&eacute;die ou de drame, c&rsquo;est selon le public choisi. J&rsquo;&eacute;cris des films pour am&eacute;ricain ou fran&ccedil;ais o&ugrave; l&rsquo;Afrique n&rsquo;a rien &agrave; voir autrement que par mon nom. Tout autant que &nbsp;je peux &eacute;crire un film totalement africain, comme le sc&eacute;nario &laquo;&nbsp;Le Silence de L&rsquo;A&iuml;eul&nbsp;&raquo; ou d&rsquo;autres que j&rsquo;ai fait avec des Africains.

Qu&rsquo;en est-il de la production pour &laquo;&nbsp;Queen of queen&nbsp;street&nbsp;&raquo;&nbsp;?

Le film est tr&egrave;s international si &nbsp;on peut dire. Car, en dehors de Lawrence Gray, un Anglais vivant &nbsp;&agrave; Hong Kong qui a produit et r&eacute;alis&eacute; ce film, un Indien, Sasha Wasseem, et un Fran&ccedil;ais, David Attali, en sont les producteurs et des Chinois de Hong Kong, les acteurs.

Avez-vous des &nbsp;projets en cours&nbsp;?

Je travaille actuellement avec un Am&eacute;ricain sur un projet de film d&rsquo;horreur intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Deadly Thread&nbsp;&raquo;. On a &eacute;crit d&eacute;j&agrave; le synopsis, et on est &agrave; 25 % de l&rsquo;&eacute;criture du sc&eacute;nario lui-m&ecirc;me.

Et quel regard portez &ndash; vous&nbsp; sur le cin&eacute;ma africain&nbsp;?

Dans le pass&eacute;, j&rsquo;ai longtemps fustig&eacute; le cin&eacute;ma calebasse. O&ugrave; c&rsquo;est toujours cette image d&rsquo;Epinal de l&rsquo;Afrique souffrant&nbsp; des affres du sous-d&eacute;veloppement, de la pauvret&eacute; qui satisfaisait toujours les producteurs (souvent europ&eacute;ens) du cin&eacute;ma africain.&nbsp; Mais heureusement que, de plus en plus, la rel&egrave;ve assure. Et je suis tout content de voir pour la premi&egrave;re fois que le cin&eacute;ma s&eacute;n&eacute;galais gagne un prix, l&rsquo;Etalon de Yennenga du FESPACO en 2013 avec Alain Gomis. Un prix dont je suis s&ucirc;r &nbsp;que notre film &laquo;&nbsp;Le Silence de L&rsquo;A&iuml;eul&nbsp;&raquo; de Madame Mariama Sylla aurait pu le gagner facilement s&rsquo;il &eacute;tait produit. Car ce sc&eacute;nario a &eacute;t&eacute; reconnu officiellement &agrave; trois reprises comme de haute facture, de bonne qualit&eacute; artistique &nbsp;et disposant de potentiel commercial. Et j&rsquo;esp&egrave;re que notre sc&eacute;nario aura une bonne part sur le milliard de francs de subvention annuelle du pr&eacute;sident Macky Sall pour &nbsp;le cin&eacute;ma s&eacute;n&eacute;galais.

Propos recueillis par A. S&nbsp;.G.

Le T&eacute;moin, hebdomadaire s&eacute;n&eacute;galais

Vid&eacute;o &quot;Queen of Queen Street&quot;