Cynthia Aïssy, DG de KeyOpsTech : «Tous les Etats africains dans lesquels nous estimons qu’un volume de plis et colis important existe nous intéressent»

Afriquinfos Editeur
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Cynthia Aïssy est Directrice Générale de la première entreprise qui digitalise le transport de colis et de plis entre les villes africaines, KeyOpsTech, créée en 2017. En charge du développement de cette entreprise dans la sous-région ouest-africaine, Cynthia Aïssy aborde dans cet entretien les difficultés inhérentes à la logistique africaine, sur la base de l’expérience de l’écosystème de KeyOpsTech.

Parlez-nous brièvement de votre triple origine africaine…

Je suis née au Sénégal d’un père moitié Béninois moitié Cap-verdien, et d’une maman aux origines cap-verdiennes. Je suis donc Sénégalo-Capverdienne-Béninoise. J’ai grandi au Sénégal.

Présentez-nous brièvement KeyOpsTech…

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KeyOpsTech, c’est la première entreprise qui a pour ambition de révolutionner la logistique africaine entre les villes. Notre cœur de métier, c’est de digitaliser le transport de colis et de plis entre les villes africaines grâce à une solution numérique (à côté du transport de passagers qui se fait sur le continent africain). Nous travaillons avec des compagnies de bus ou de cars selon l’appellation. Nous permettons par exemple à Mme Koné à Abidjan d’envoyer un paquet à sa tante à Korhogo avec une sécurité garantie via des notifications qui sont envoyées à cette demandeuse de services sur son téléphone mobile via SMS. Grâce à notre solution innovante, nous offrons à nos clients de rester en temps réel en contact avec les colis/plis qu’ils envoient, quelle que soit leur ville d’origine et celle vers laquelle ils destinent leurs colis. En gros, notre solution permet d’envoyer et de recevoir des plis/colis via des lignes de bus. Nous travaillons avec des lignes de cars déjà existantes, en nous basant sur leur architecture. Nous avons notre siège régional en Côte d’Ivoire, mais nous avons également des représentations au Sénégal, au Mali, et au Burkina Faso. En début d’année 2020, nous projetons d’ouvrir une nouvelle représentation dans un pays anglophone de la sous-région, en l’occurrence le Ghana.

Qu’est-ce qui justifie l’implantation de KeyOpsTech et de l’ouverture de ses représentations dans les pays précités ?

Ces pays possèdent un potentiel certain en matière du transport des plis et des colis via des bus dans la sous-région ouest-africaine. A titre d’exemple, nous avons décidé de nous implanter en Côte d’Ivoire parce qu’il y existe un réseau de transporteurs, que ce soit à l’échelle nationale comme internationale. Un réseau qui nous permet ainsi de faire partir des colis de la Côte d’Ivoire vers le Burkina Faso, d’Adjamé (commune ivoirienne) vers San Pedro, Man (ouest ivoirien), vers le nord du même pays. La solution numérique qu’offre mon entreprise existe parce qu’un réseau de transporteurs est déjà fonctionnel dans ce pays. Tous les Etats de la sous-région dans lesquels nous estimons qu’un volume, une culture de plis et colis important existe nous intéressent. Nous créons autour de ce volume ou de cette culture de la traçabilité à KeyOpsTech.

Quelle est l’étendue de la plus-value que KeyOpsTech veut apporter à ce secteur d’activités dans la sous-région?

J’ai à la base un profil beaucoup marqué par le marketing et la communication, j’ai fait mon Master non seulement en Marketing mais aussi en Stratégies commerciales, et j’ai beaucoup évolué en gestion d’entreprise. C’est exactement ce que je fais aujourd’hui. J’ai aussi travaillé précédemment dans le milieu touristique (très précisément dans l’hôtellerie) qui n’est pas loin du secteur des transports. Ce sont des choses liées les unes aux autres. Autrefois, je vendais des services ; de nos jours, je vends des solutions informatiques pour améliorer le quotidien des transporteurs et des particuliers qui peuvent envoyer du colis et/ou du pli.

Une fois qu’on a vendu cette solution à ces utilisateurs, il faut leur montrer la valeur ajoutée de celle-ci sur toute la ligne de son utilisation. Ce n’est pas facile de faire comprendre au départ à ces utilisateurs que cette solution offerte est de la technologie, différente du papier qu’ils utilisaient jusque dans un passé récent. Le suivi et l’accompagnement que nous offrons aux transporteurs dans la formation autour de la solution technologique que leur propose KeyOpsTech permettent à nos utilisateurs d’être rapidement à l’aise avec notre solution. Pour ce faire, je mets en exergue mon expertise en matière de stratégie commerciale pour pouvoir sensibiliser et fidéliser notre utilisateur final dans la solution que nous proposons.

On fait de la formation, on fait de l’accompagnement, nous ne vendons pas de logiciel de gestion. Nous offrons une solution technologique aux transporteurs que nous suivons au fur et à mesure en étant sur le terrain, en accompagnant les utilisateurs. C’est un travail de fond que nous faisons, en accompagnant les utilisateurs tous les jours. Dans le cadre du déploiement de notre solution, nous équipons principalement les caissières qui se chargent elles-mêmes dans les gares d’opérer la création des colis via les bordereaux en papier. Ce sont généralement de jeunes femmes déjà habituées à utiliser les TIC (réseaux sociaux, etc.). Grâce à nos formateurs sur place, nous avons une proximité pour les accompagner dans le cadre de leur initiation à la transition, en passant du bordereau de papier à leur smartphone pour créer le colis. Notre présence permanente sur le terrain nous permet d’identifier les innovations et les contraintes à prendre en compte pour améliorer notre produit et surtout satisfaire les attentes des utilisateurs. Cet aspect est important parce que nous fournissons un service digital sur smartphone. Il faut qu’il satisfasse de façon optimale ses utilisateurs. Nous avons pour ce faire une équipe opérationnelle 24/24 sur le terrain pour faire de la formation, de l’accompagnement, mais aussi et surtout prendre le pouls de la satisfaction finale du client.

Quels types d’actions déployez-vous pour faire face aux difficultés inhérentes à votre secteur d’activités ?

Nous adoptons progressivement des solutions face à ces difficultés dans la sous-région et précisément dans les pays dans lesquels nous sommes présents. En réalité, nous faisons face à des difficultés que rencontre toute nouvelle structure dans son secteur d’activités. Une donne qui ne nous a pas empêchés de franchir la barre de livraison de plus de 100 mille colis depuis mars 2019, d’atteindre selon nos prévisions celle du million de colis livrés d’ici la fin du 1er semestre 2020.

A l’heure actuelle, nous desservons à peu près 80 gares ouest-africaines, et nous couvrons à peu près 40 millions de km. L’ambition, c’est de pouvoir créer un maillage autour des 22% d’Africains (un chiffre qui reste faible par rapport aux autres continents) qui reçoivent directement leurs colis à domicile sur la base de nos statistiques précitées. A KeyOpsTech, via le digital, on est persuadé qu’il est possible de réduire le temps et l’argent dépensés pour envoyer ou réceptionner du colis/pli, et améliorer par contrecoup le quotidien de nos clients. L’ambition directe, c’est de réduire les distances et de se concentrer sur l’Afrique occidentale dans laquelle nous avons beaucoup de pays à connecter.

Quel est le profil habituel de votre clientèle ?

Nous vendons en principe notre solution aux transporteurs. Nos clients ont un profil très varié, nous vendons notre solution ‘business to business’, entreprise à entreprise : directeurs de compagnies ou entreprises de bus (de petites et moyennes aux grandes entreprises), etc. Certaines de ces clientes ont 5 destinations, d’autres une dizaine, une vingtaine, etc. Nous transportons habituellement des plis et colis à volume variable.

Sur la base de votre réussite en Afrique occidentale, votre entreprise est-elle prête à se projeter en Afrique centrale ?

Notre ambition demeure de réduire les distances entre les villes africaines dans l’acheminement de plis/colis. Même si pour l’heure nous sommes concentrés en Afrique de l’ouest, nous n’hésiterons pas à aller vers l’Afrique centrale si les conditions (les infrastructures routières) nous le permettent, idem pour les moyens techniques et financiers.

Y a-t-il une spécificité dans l’acheminement du colis/pli d’un pays francophone à un Etat anglophone, ou encore à un pays lusophone ?

Je pourrai vous répondre très prochainement, vu qu’on est en plein déploiement au Ghana. Une chose est certaine : on se rend compte que le potentiel dans notre secteur d’activités est colossal en Afrique occidentale.

Pourquoi avoir choisi le Ghana au détriment du Nigeria qui a un potentiel dense en Afrique de l’ouest ?

Nous sommes dans une activité dans laquelle on vend des solutions à des personnes qui ont déjà leurs structures, mais à qui on peut apporter une valeur ajoutée. Alors, nous nous concentrons sur des pays et des transporteurs qui manifestent ce besoin. Le Nigeria est un immense pays avec tous les challenges qui l’accompagnent. Pour des raisons bien propres à nous et rationnelles, démarrer avec le Ghana est un premier élan pour pénétrer le marché anglophone (…) Par ailleurs, nous n’avons exclu ni le Togo ni le Bénin (d’autres pays ouest-africains francophones) dans nos projections pour 2020. C’est à venir.

KeyOpsTech dispose d’une quinzaine de personnes d’effectif répartie entre Abidjan, Bamako, Ouagadougou et Dakar, et une dizaine d’autres à Lyon (France) pour la partie purement technique et informatique. Au total, nous disposons ainsi de près d’une trentaine de personnes comme effectif.

Doit-on s’attendre à voir KeyOpsTech dans les mois et années à venir se donner les moyens pour contrôler toute la chaîne de valeur de son secteur d’activités ?

L’idéal dans une activité entrepreneuriale, c’est de maîtriser l’ensemble de sa chaîne de valeur. Nous restons à l’écoute d’une offre grand public pour répondre à des besoins exprimés.

Interview réalisée par Edem G. Gadegbeku