RDC : Félix Tshisekedi au centenaire de l’Église kimbanguiste

Afriquinfos Editeur
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Église chrétienne née au Congo, le culte kimbanguiste a célébré mardi ses 100 ans en sa ville sainte de Nkamba, en présence du président Félix Tshisekedi, symbole de son allégeance aux pouvoirs établis, au contraire des catholiques à la pointe de la grogne politique et sociale.

Signe distinctif de l’Église fondée par « papa » Simon Kimbangu, des milliers de pagnes verts et blancs ont déferlé sur la ville sainte et la « Nouvelle Jérusalem » de Nkamba dans la province du Kongo-central (environ 200 km à l’ouest de Kinshasa), jadis l’épicentre du prestigieux royaume Kongo avant l’arrivée des Européens au XVe-XVIe siècle.

Les participants ne portaient pas de masque ni ne respectaient les gestes barrières. « Nous les kimbanguistes nous croyons en Dieu. Ici il n’y a ni maladie, ni Covid, ni quoi que ce soit. Papa Simon Kimbangu nous protégera encore et toujours », a lancé à l’AFP Founix Kahangu, un ingénieur, sous les applaudissements d’autres fidèles.

Fidèle d’une Église évangélique, le président Tshisekedi a pris place au milieu de l’imposant temple blanc construit au bout d’une longue route de 70 km en terre battue et défoncée, que certains comparent à un « chemin de croix ».

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Il a salué en Simon Kimbangu « un prophète de la libération de l’homme noir » dont la mémoire doit être entretenue pour les générations futures.

Sous les acclamations des pèlerins, massés pieds nus dans et autour du temple, le chef de l’État a suggéré de faire du 6 avril un jour férié, chômé et payé.

Les Kimbanguistes ont fait allégeance au chef de l’État investi en 2019, et soutiennent sa nouvelle majorité d’« Union sacrée de la Nation », qui a mis à l’écart son prédécesseur Joseph Kabila.

Avec le même zèle, ils ont collaboré avec les régimes des Kabila père et fils (1997-2019) après avoir soutenu la longue dictature du maréchal Mobutu (1965-1997).

Et pour cause: « respecter l’autorité de l’État » est le premier de leurs douze préceptes, avant une longue liste d’interdictions (ne pas fumer, ne pas boire, ne pas danser ni contempler ceux qui dansent, ne pas se laver ni dormir nu…).

Légalistes, les Kimbanguistes demandent également à leurs fidèles de payer l’impôt et « d’aimer leurs prochains et leurs ennemis ».

« Apolitiques »

« L’Eglise kimbanguiste collabore étroitement avec tous les pouvoirs établis. Nous sommes apolitiques », revendique auprès de l’AFP Apo Salimba, chargé de mission auprès du chef spirituel Simon Kimbangu, petit-fils du père fondateur.

Revendiquant des millions de fidèles dans le monde, elle se distingue de l’Eglise catholique, dont la conférence épiscopale dénonce régulièrement l’égoïsme des politiciens, la mauvaise gouvernance et la corruption qui minent le géant de l’Afrique subsaharienne.

Les catholiques ont été à la pointe des mobilisations anti-Kabila début 2018, avec trois marches réprimées à balles réelles (une quinzaine de morts).

En 2021, la RDC compterait 40 % de catholiques, 35 % de protestants, 10 % de kimbanguistes, 9 % de musulmans, d’après des estimations, dans un pays de plus de 80 millions d’habitants qui n’a pas recensé sa population depuis 1984.

A l’origine, l’Église kimbanguiste a pourtant incarné un mouvement de résistance, alors que « l’Église catholique a été historiquement associée à la colonisation belge », selon le chercheur et historien Sébastien Fath.

Simon Kimbangu est né le 24 septembre 1899 à Nkamba, entre Kinshasa et l’océan Atlantique, porte d’entrée des colons, Portugais, Britanniques, Belges.

Le 6 avril 1921, Kimbangu est crédité de la guérison miraculeuse d’une femme. Ce premier miracle marque la naissance de son Église, qui reprend de nombreux éléments du christianisme importé par les missionnaires, mais en l’agrémentant aux spécificités locales.

« Papa » Kimbangu n’aura le temps d’exercer son magistère que pendant cinq mois. Mais sa prédication a trouvé un fort retentissement au sein d’une population colonisée prête à entendre son message d’émancipation de l’homme noir.

En septembre 1921, le nouveau prophète qui déplace les foules est arrêté par l’administration coloniale belge.

« Je me suis borné à prêcher l’évangile de Jésus Christ », répond-il aux juges d’un tribunal militaire qui l’accusent d’avoir porté atteinte à la sécurité de l’État et à l’ordre colonial, en le condamnant à mort en octobre.

Il fut finalement enfermé pendant 30 ans jusqu’à sa mort en 1951 – le jour de la naissance de son petit-fils, actuel chef spirituel de l’Église kimbanguiste.

Depuis 2002, après la mort de Salomon Dialungana, dernier fils du prophète Simon Kimbangu, une dissidence a vu le jour sur fond de conflit de succession.

Les Kimbanguistes sont également connus pour leur orchestre symphonique et pour avoir déplacé la date de la naissance du Christ au 25 mai depuis l’an 2000.