Que doit retenir concrètement l’Afrique de la COP27?

Afriquinfos Editeur
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Charm-el-Cheikh  (© 2022 Afriquinfos)- Initialement prévue pour se terminer le 18 novembre,  la 27ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, a finalement pris fin le samedi 19 novembre en Égypte. Alors que les pays pauvres émettent le moins de gaz à effet de serre, ils subissent les effets du réchauffement climatique. Le 17 novembre, le secrétaire des Nations Unies Antonio Guterres a exhorté à trouver un «accord ambitieux et crédible» sur la question de la compensation des dégâts climatiques.

La conférence de Charm el-Cheikh a été l’une des COP les plus longues de l’histoire. Après plus de deux semaines de discussions, une déclaration finale fruit de nombreux compromis a été finalement adoptée, appelant à une réduction «rapide» des émissions mais sans ambition nouvelle par rapport à la dernière COP de Glasgow en 2021. « Ça n’a pas été facile» mais «nous avons finalement rempli notre mission», a souligné le président égyptien de la COP27 Sameh Choukri.

«La manière la plus efficace de reconstruire la confiance est de trouver un accord ambitieux et crédible sur les pertes et préjudices et le soutien financier aux pays en développement», a affirmé le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres lors de la COP27. Aujourd’hui, l’Afrique qui émet seulement 4 % des gaz à effet de serre est soumise aux effets du changement climatique, comparativement aux autres continents.

A Charm el-Cheikh, les leaders africains ont mis l’accent sur «l’adaptation qui a été au centre des discussions, les pertes et dommages», pour la majorité des populations les plus pauvres qui font face aux impacts du changement climatique, comme l’explique Amath Pathé Sene, responsable régional Environnement et Climat au FIDA, le fonds international pour le développement agricole, en Afrique de l’Ouest et centrale. Pour lui, il est tout à fait légitime pour ces pays de réclamer des dédommagements.

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Le financement d’un milliard

Dans le but d’aider l’Afrique à s’adapter au changement climatique, l’Union européenne et certains membres promettent un milliard d’euros, a annoncé le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Ces pays sont entre autres, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark. Une bonne nouvelle, estime Amath Pathé Sene, soulignant que «les annonces sont des fois déconnectées de la réalité», ce qui a «été dans la majorité des cas, le mot et l’appel de la société civile, des leaders du secteur privé», dit-il.

«Que cela soit vraiment une réalité», souhaite-t-il, évoquant l’urgence. «L’accès à ces financements prend assez de temps et on n’a pas le temps d’attendre puisque les changements climatiques et ses impacts n’attendent pas» lance-t-il également, rappelant la situation des personnes déplacées au Nigeria, les inondations au Tchad  et la famine en Afrique de l’Est.

«Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant – et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu», a regretté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à l’issue de la conférence climatique. Dans la foulée, l’Union européenne s’est dite «déçue» par l’accord sur les émissions. «Ce que nous avons là, c’est un pas en avant trop court pour les habitants de la planète. Il ne fournit pas assez d’efforts supplémentaires de la part des principaux émetteurs pour augmenter et accélérer leurs réductions d’émissions», a estimé dans un discours enflammé le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans à la session plénière finale après deux semaines de conférence.

Cette édition a en revanche été marquée par l’adoption d’une résolution emblématique, qualifiée d’historique, sur la compensation des dégâts causés par le changement climatique déjà subis par les pays les plus pauvres. Ce dossier des «pertes et dommages» climatiques des pays pauvres avait failli faire dérailler la conférence, avant de faire l’objet d’un texte de compromis de dernière minute qui laisse de nombreuses questions en suspens, mais acte le principe de la création d’un fonds financier spécifique. «Les pertes et dommages dans les pays vulnérables ne peuvent désormais plus être ignorés même si certains pays développés avaient décidé d’ignorer nos souffrances», a salué la jeune militante ougandaise Vanessa Nakate.

Le texte sur les réductions d’émissions a été également très disputé, de nombreux pays dénonçant ce qu’ils considéraient comme un recul sur les ambitions définies lors de précédentes conférences. Notamment sur l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, contenir le réchauffement à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, qui est toutefois réaffirmé dans la décision finale.

Les engagements actuels des pays signataires de l’accord ne permettent pas de tenir cet objectif, ni même celui de contenir l’élévation de la température à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Ces engagements, en admettant qu’ils soient intégralement tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4°C à la fin du siècle et, au rythme actuel des émissions, sur celle d’un catastrophique +2,8°C.

Or, à près de 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts dramatiques du changement climatique se multiplient déjà. L’année 2022 en a été l’illustration, avec son cortège de sécheresses, méga-feux et inondations dévastatrices, impactant récoltes et infrastructures.

La bataille ne s’achèvera pas avec l’adoption de la résolution de Charm el-Cheikh puisque celle-ci reste volontairement vague sur certains points controversés. Les détails opérationnels doivent être définis pour adoption à la prochaine COP, fin 2023 aux Emirats arabes unis, promettant de nouveaux affrontements.

V.A.