Namibie : Hifikepunye Pohamba, lauréat du Prix Mo Ibrahim 2015

ecapital
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Depuis son lancement en 2006, le prix Ibrahim Mo n’a connu que quatre lauréats de son histoire. Réputé pour  sa rigueur, ce prix est pourtant l’un des plus convoités par les dirigeants africains :en plus d’un paiement initial de 5 millions de dollars, le lauréat de ce prix touche à vie 200 000 dollars par an, un montant  doublé si l’ex-dirigeant fonde une œuvre caritative.Un enjeu financier capital  qui suscite envie et convoitise des dirigeants africains. Mais, si cette aubaine est convoitée, le prix pour l’obtenir ne reste pas facile pour la plupart. Les nombreux décalages entre les décernements des prix normalement prévus pour être attribués annuellement l’illustrent parfaitement.

Le premier lauréat du prix Ibrahim Mo a été, en 2007 Joaquim Chissano, l’ancien président du Mozambique. En 2008, c’est le Botswanais Mogae qui fut distingué. Mais, en 2009 et 2010, le comité n’ayant pas identifié de candidat à la hauteur de ses exigences, le prix ne fut pas attribué. Ce n’est que deux ans plus tard que le prix est à nouveau décerné .Il revient alors au président sortant du Cap-vert, Pedro Pires. Depuis 2011, le prix est de nouveau resté vacant jusqu’en cette année de 2015 où le président sortant Hifikepunye Pohambal’a obtenu.

Pour les organisateurs de ce prix, il s’agit pour les chefs d’Etat ou de gouvernement africain d’améliorer la sécurité, la santé, l’éducation, le développement économique et les droits politiques dans son pays, pendant son règne puis de quitter démocratiquement le pouvoir. Le président sortant namibien fait désormais partie de ces rares chefs d’Etat qui ont su relever ce défi.

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Hifikepunye Pohamba, l’heureux élu

 A 79 ans, Hifikepunye Pohamba a rejoint le club très fermé des lauréats du prix pour la gouvernance en Afrique. Pour le jury présidé par l’ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), Salim Ahmed Salim, le choix porté sur Hifikepunye Pohamba, se justifie. «Sa capacité à gagner la confiance et le soutien de son peuple est remarquable. Au cours de son mandat, il a fait preuve d’un leadership juste et avisé, tout en conservant constamment une profonde humilité », a expliqué le président du comité d’attribution du prixaux confrères de l’AFP. Un honneur qui a été obtenu à l’issue d’un parcours périlleux.

Hifikepunye Pohamba, membre fondateur de la SWAPO (South-West African People’s Organisation) créé en 1960 est un ancien rebelle. Il a combattu pour l’indépendance de son pays en menant une campagne de plusieurs décennies contre la domination sud-africaine.

Cet engagement  sera lourd de conséquences pour Pohamba. Il est arrêté par les chefs locaux, enchaîné et fouetté en public. Il part alors dans l’actuel Zimbabwe avant d’en être expulsé en 1961 vers le Sud ouest-africain. Il passe quatre mois en prison avant d’être assigné à résidence pendant deux ans.

De nouveau en exil de 1964 à 1966, Pohamba rentre au pays avec son mentor Sam Nujoma en 1989, après les accords de 1988, entre l’Afrique du Sud et les Nations Unies.

Il prépare les premières élections namibiennes en tant que directeur de campagne de la SWAPO. Celle-ci remporte ce scrutin avec 57 % des suffrages et Pohamba est élu député. L’indépendance est proclamée le 21 mars 1990. Sam Nujoma devient président au nom de la SWAPO qui est désormais le principal parti politique namibien et Pohamba obtient le ministère de l’Intérieur. Il tiendra plus tard les postes de ministre des Pêches et des Ressources maritimes et de ministre des Terres.

Pohamba présente sa candidature présidentielle au nom  de la SWAPO lors du Congrès du 30 mai 2004. Dans son programme politique, le président  promet de lutter contre la corruption, la criminalité, l’expansion du SIDA et pour une redistribution des terres agricoles. Ce qui lui a sans doute valu d’être élu président lors des élections des 15 et 16 novembre 2004, avec 76,4 % des voix. Aux législatives ayant lieu en parallèle, la SWAPO obtient 55 sièges sur 72.

Depuis son ascendance au pouvoir, Pohamba a marqué beaucoup d’observateurs par sa modération et sa modestie, contrairement à son prédécesseur Sam Nujoma connu pour son humeur caractérielle. Pohamba est réélu en novembre 2009 avec plus de 75 % des suffrages. Son mandat prend fin cette année, il cèdera ainsi sa place dans les prochains jours au nouveau président élu, Hage Geingoba.

Son parcours de combattant, sa gouvernance pacifique et son départ démocratique a marqué les esprits et lui valu ce prix honorifique.

«Le comité a été marqué par sa détermination à conforter en priorité la cohésion et la réconciliation nationales, au moment où la Namibie abordait une phase décisive pour la consolidation de la démocratie et du développement social et économique»,a déclaré le président du jury lors de l’attribution du prix.

A propos du prix

Mohamed « Mo » Ibrahim, né en 1946, est un milliardaire anglo-soudanais et entrepreneur dans le domaine des télécommunications.

En 2005, il crée la Fondation Ibrahim Mo avec pour objectif de susciter un changement positif en Afrique. En 2007, la Fondation inaugure le Prix Mo Ibrahim en vue de récompenser les chefs d’Etat ayant«développé leur pays, sorti leur peuple de la pauvreté et construit les bases d’un développement durable et équitable», selon le président de la Fondation.

La Fondation publie aussi «l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine» qui établit un classement des performances réalisées par les 54 pays d’Afrique.
L’Indice Ibrahim est élaboré par une équipe de politologues autour de 86 indicateurs. Il évalue objectivement la gouvernance des États sous tous ses aspects: corruption, droits de l’Homme, vie politique, enseignement, et santé. Les pays du continent sont passés au crible en recoupant les données recueillies par un réseau d’experts. Ils reçoivent ensuite une note allant de 1 à 100, et font l’objet d’un classement à l’issue duquel se dégage le lauréat du prix.

                                    Larissa AGBENOU