Moscou demeure le premier fournisseur d’armes à l’Afrique en dépit des répercussions du conflit russo-ukrainien

Afriquinfos Editeur
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Paris (© 2023 Afriquinfos)- Au cours des cinq dernières années, Moscou est devenu le premier fournisseur d’armes sur le continent africain devant la Chine, la France ou encore les Etats Unis. Sur la période 2017-2021, 44% des importations d’armes venaient de Russie, contre 17% des États-Unis, 10% de Chine et 6% de France. C’est ce que révèle une étude, du centre belge Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip).

Malgré le conflit Russo-Ukrainien, les fournisseurs russes ont de solides liens commerciaux avec l’Afrique, en matière de vente d’armes.

Si la  Russie occupe cette première place de vendeur d’arme sur le continent,  ‘’c’est parce qu’il y a eu de nouveau une ouverture vers l’étranger avec l’arrivée de Vladimir Poutine et cette volonté finalement de restaurer la Russie à sa place de puissance mondiale. Et ça, ça passait notamment pour Vladimir Poutine par le fait de relancer les exportations d’armes. Et le marché africain est un marché qui était assez ouvert parce que c’est un marché qui n’est pas fort investigué ou utilisé par les Européens.’, d’après Agatha Verdebout, chargée de recherche au GRIP et auteure de l’étude ‘’Ventes d’armes russes en Afrique : les effets contrariés des sanctions occidentales’’.

L’autre raison selon la même source, c’est ‘’aussi parce que les Européens sont tenus à des règles plus strictes a priori que la Russie en matière de respect des droits humains dans les pays où ils vendent des armes, etc. La Russie est un peu moins contrainte de ce point de vue-là’’, avance-t-elle.

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Ces ventes d’armes constituent un élément pivot de la stratégie de Moscou, fait observer la chercheuse. ‘’L’une des tactiques utilisées par la Russie quand elle a recommencé à se projeter sur le marché africain des armements, ça a été d’offrir d’autres bénéfices en échange ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu juste des ventes d’armes. Il y a eu la relance justement de la coopération économique et culturelle. Il y a eu beaucoup d’effacements de dettes. Du coup, Vladimir Poutine a effacé des dettes souveraines qui dataient de l’époque soviétique pour justement favoriser ou inciter les pays du continent africain à acheter russe plutôt que qu’américain ou français, par exemple’’, explique Agatha Verdebout, ce mardi dans un entretien sur Rfi.

Cependant,  à la question de savoir pourquoi les sanctions occidentales n’ont eu qu’un effet limité sur les exportations russes? L’auteure dit qu’il faut ‘’comprendre que le but des sanctions, a priori, ce n’est pas d’impacter les exportations. Le fait que cela impacte les exportations d’armes, c’est une sorte d’effet collatéral. Le but des sanctions, c’est d’impacter la production d’armements en Russie pour éviter que ces armes ne soient envoyées vers le front’’, affirme-t-elle, en ajoutant que ‘’la Russie a réussi quand même à maintenir un certain approvisionnement pour son industrie de la défense dans les composants dont elle a besoin pour cette industrie’’.

La résilience de Moscou face aux sanctions occidentales

Selon les propos de Madame Verdebout, ‘’il y a une grosse capacité d’adaptation d’une part aux sanctions et puis ce qu’il ne faut pas sous-estimer, c’est la capacité de l’industrie de l’armement russe à abaisser les besoins technologiques de ces armements. C’est-à-dire qu’ils ont la capacité de modifier les armes qu’ils ont pour pouvoir se passer de composants hautement technologiques ou hautement complexes’’, informe-t-elle.

Certes, la  domination russe sur le marché africain des armes s’érode, mais ne connaît de déclin malgré la nécessité pour Moscou de fournir massivement le front ukrainien, et malgré les sanctions occidentales. Pour l’auteure de l’étude du Grip, ‘’ce maintien s’explique pour deux raisons : la capacité de l’industrie russe à s’adapter aux sanctions, en trouvant notamment de nouveaux fournisseurs de technologie, et l’importance que le Kremlin accorde à ses partenaires africains, pour des raisons diplomatiques et de communication. Ce secteur est une vitrine industrielle et un élément ‘’pivot’’ de la stratégie russe.

Vladimir Poutine a souhaité revitaliser les réseaux hérités de l’URSS, et à côté de clients ‘’historiques’’, comme l’Algérie ou l’Égypte, des contrats ont été signés avec des États comme le Nigeria, tandis que la Russie prenait pied de manière importante en Centrafrique ou au Mali. Moscou multiplie les ‘’opérations de séduction’’, à l’égard des dirigeants du continent. En témoignent les tournées répétées du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, la dernière au Kenya, au Burundi, au Mozambique et en Afrique du Sud. Le prochain sommet Russie-Afrique, fin juillet à Saint-Pétersbourg, verra la signature de nombreux contrats de partenariats, y compris dans le secteur de la défense.

Le GRIP est un centre de recherche indépendant, reconnu comme organisation d’éducation permanente par la Fédération Wallonie-Bruxelles (Belgique). Il est particulièrement engagé dans les initiatives relatives à la traçabilité et au marquage des armes légères, au contrôle des munitions, à la transparence dans les transferts internationaux, à la prolifération des ALPC en Afrique subsaharienne, à la détention d’armes par les civils, ainsi qu’à la lutte contre les trafics d’armes et le contrôle des courtiers.

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