Les Flux financiers illicites coûtent chaque année plus de 90 milliards de dollars à l’Afrique 

Afriquinfos Editeur
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Genève (© 2020 Afriquinfos)- Les  flux financiers illicites (FFI) en provenance de l’Afrique sont devenus un sujet de préoccupation majeure en raison de leur ampleur et leur impact négatif sur les programmes de développement et de gouvernance en Afrique. D’après le rapport 2020 de la CNUCED sur le développement économique en Afrique,  88,6 milliards de dollars, soit 3,7 % du Produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique, quittent par an le continent sous forme de fuite illicite de capitaux. Ce rapport estime que ces chiffres peuvent être préservés en luttant contre ces sorties illicites.

Selon le rapport de la CNUCED, « les FFI sont des mouvements transfrontaliers d’argent et d’actifs dont la source, le transfert ou l’utilisation sont illégaux ». Ce rapport intitulé «Lutter contre les flux financiers illicites pour le développement durable en Afrique» estime que «ces flux sont presque aussi importants que les entrées annuelles totales combinées de l’aide publique au développement, évaluées à 48 milliards de dollars, et des investissements étrangers directs annuels, fixés à 54 milliards de dollars, reçus par les pays africains – la moyenne pour la période 2013-2015».

Sur le front social, les pays africains sont invités à renforcer l’engagement politique et les capacités de leadership, à mener campagne sur l’importance de payer les impôts et sur l’impact des FFI, à combattre la corruption et aborder la problématique de la mentalité.

Les flux financiers illicites conduisent un Etat à un amenuisement des réserves de change, la perception réduite des impôts, l’annulation des flux d’investissement et une aggravation de la pauvreté. Ces sorties étouffent le commerce et aggravent les conditions macroéconomiques. Ils décrédibilisent les différentes institutions. « Les flux financiers illicites privent l’Afrique et ses habitants de leurs perspectives, sapant la transparence et la responsabilité et érodant la confiance dans les institutions africaines», détaille Mukhisa Kituyi, Secrétaire général de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement).

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Ce qui coute le plus cher à l’Afrique, en termes de FFI, ce sont les fausses facturations. D’après les estimations du rapport de la CNUCED, le total des capitaux illicites qui ont fui l’Afrique s’est élevé à 836 milliards de dollars de 2000 à 2015, par rapport au stock total de la dette extérieure de l’Afrique qui s’élevait à 770 milliards de dollars en 2018.

Ces estimations montrent que l’Afrique a été un créancier net par rapport au reste du monde, non pas un débiteur, en raison des sorties massives des capitaux illicites du continent.

Le rapport constate que «dans les pays africains où les FFI sont élevés, les gouvernements dépensent 25% de moins que les pays où les FFI sont faibles pour la santé et 58% de moins pour l’éducation. Comme les femmes et les filles ont souvent un accès plus restreint à la santé et à l’éducation, ce sont elles qui souffrent le plus des effets négatifs des FFI sur le plan budgétaire. L’Afrique ne sera pas en mesure de combler l’important déficit de financement pour réaliser les ODD, estimé à 200 milliards de dollars par an, avec les recettes publiques existantes et l’aide au développement ».

Vu ces chiffres alarmants, une lutte contre les FFI ne peut être que primordiale. «La lutte contre la fuite des capitaux et les FFI représente une importante source potentielle de capitaux pour financer des investissements indispensables, par exemple dans les infrastructures, l’éducation, la santé et les capacités de production. Par exemple, en Sierra Leone, qui a l’un des taux de mortalité des moins de cinq ans les plus élevés du continent (105 pour 1.000 naissances vivantes en 2018), la lutte contre la fuite des capitaux et l’investissement d’une part constante des revenus dans la santé publique pourraient permettre de sauver 2.322 enfants supplémentaires sur les 258.000 qui naissent chaque année dans le pays», fait valoir le document.

Le rapport souligne «l’importance de collecter des données commerciales plus nombreuses et de meilleure qualité pour détecter les risques liés aux FFI, accroître la transparence dans les industries extractives et le recouvrement des impôts. En raison de l’absence de règles nationales sur les prix de transfert dans la plupart des pays africains, les autorités judiciaires locales ne disposent pas des outils nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale des entreprises multinationales. Mais les FFI ne sont pas seulement une préoccupation nationale en Afrique ».

«Les flux financiers illicites ont un caractère multidimensionnel et transnational. Comme le concept de migration, ils ont des pays d’origine et de destination, et il existe plusieurs lieux de transit», a dénoncé le président du Nigeria, Muhammadu Buhari.

Le renforcement de l’engagement politique et les capacités de leadership, une campagne sur l’importance de payer les impôts et sur l’impact des FFI, et combattre la corruption peuvent être des pistes de solution afin de remédier à ce mal pernicieux, selon les Nations Unies.

S.B.