‘African Art is Non Fungible’, un projet artistique inédit en Europe du 20 au 23 octobre prochain, au Carreau du Temple à Paris

Afriquinfos Editeur
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Une oeuvre via l’utilisation de jetons non-fongibles (NFT).

PARIS (© 2022 Afriquinfos)- Le collectif de créateurs ‘Neuvième Toit’, en partenariat avec AKAA, première Foire française d’art contemporain et de design centrée sur l’Afrique, présente un projet inédit du 20 au 23 octobre prochain, au Carreau du Temple (4 Rue Eugène-Spuller – 75003 Paris, France).

Grande première dans le monde de l’art africain contemporain en Europe, ‘African Art is Non Fungible’ vise à mettre en valeur le patrimoine artistique de l’Afrique, et ses créateurs, de manière innovante et accessible grâce à l’utilisation de jetons non-fongibles (NFT) et de supports hybrides (physique/digital). Pour cette première édition, ‘Neuvième Toit’ collabore avec l’artiste franco-ivoirien Willow Evann et la galerie ‘31 Project Paris’, sur une proposition artistique immersive conjuguant à la fois la perception du monde réel et son miroir virtuel.

Dans la continuité de la programmation d’AKAA 2022, qui s’articule autour du mouvement, ‘Neuvième Toit’ et l’artiste multidisciplinaire Willow Evann (‘31 Project Paris’) présenteront une proposition immersive, conjuguant à la fois la perception du monde réel et son miroir virtuel. Un triptyque d’œuvres physiques et numériques – Google Noir, Tiraillés et Zaouli – qui mobilisera trois aspects (spatio-temporel, artistique, et socio-politique) de ce concept polysémique, en résonance avec la démarche de Willow Evann.

Cette dernière vise à interroger (i) les perceptions portant sur ce que l’on nomme le “monde noir” (notion sociologique) et africain ; (ii) les cultures, traditions, et imaginaires plus ou moins partagés au sein de ces microcosmes ; et (iii) la construction des symboliques et stéréotypes que ces derniers suscitent, souvent malgré eux. En d’autres termes, il s’agit là de questionner. Mais questionner quoi, concrètement?

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Une succession d’interrogations

Le mythe, avec Zaouli

Questionner la perception des mythes africains, tout d’abord, en mettant en avant la spiritualité pratiquée par un peuple de Côte d’Ivoire (les Gouro), à travers un masque et une danse traditionnelle, que l’on nomme tous deux “Zaouli”. Le zaouli est caractérisé par la finesse esthétique du masque et la grâce des mouvements de son danseur, dont l’union donne un spectacle prisé dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire.

Notre dialogue avec cette pratique prend la forme d’une œuvre éponyme, composée de trois figures du panthéon Gouro que sont Zamble, Gyela et Gu. Elle s’inscrit dans un mouvement contemporain plus large de redécouverte et de réappropriation du patrimoine traditionnel africain via de nouvelles formes et objets. En l’occurrence, l’apparition animée de Zamble, Gyela et Gu (en réalité augmentée), qui contraste avec leur forme physique figée (en tapis), nous invite à une réflexion plus profonde sur les formes et émanations du sacré, l’existence – ou non – du divin et, son incarnation dans le monde réel et spirituel.

Dans le monde “réel”, Zamble, Gyela et Gu sont des de simples tapis, objets du quotidiens désacralisés, à la limite d’être souillés puisqu’on peut marcher dessus. Dans le monde “spitiruel” (représenté ici par l’espace virtuel), ces trois divinités s’animent, respirent, observent, pensent… et résident éternellement – grâce aux propriétés d’immuabilité de la Blockchain.

Le fait historique, avec Tiraillés

Vient ensuite le questionnement des événements du passé. Pour ce faire, Neuvième Toit et Willow Evann ont choisi de revisiter l’Histoire via l’histoire – tortueuse – des “tirailleurs sénégalais”. Un mythe dès son origine, puisqu’il désignait sous une même appellation l’ensemble des combattants des colonies africaines (la “Force noire” ou “l’Armée Noire”). Les “tirailleurs sénégalais” sont connus pour avoir défendu la France lors des conflits mondiaux de 14-18 et 39-45 sans avoir pu bénéficier de sa reconnaissance. Thiaroye s’en souvient…

Cette histoire, c’est aussi celle de Brazzaville, capitale de la France libre de De Gaulle ; ou de la Françafrique, reliquat économique et géopolitique de l’AEF (Afrique équatoriale Française) et de l’AOF (Afrique occidentale Française) encore décrié aujourd’hui. C’est l’histoire de ce lien qui unit – sous des formes différentes – le destin d’une partie des populations africaines à celui de la France.

Cette histoire, donc, se retrouve dans l’œuvre Tiraillés, qui comporte des scènes de vie de “tirailleurs sénégalais” imprimé via polaroid sur cubes en bois d’épicéa. En se réappropriant ce fait historique, Tiraillés invite à questionner notre passé de métropole/colonies et ses incidences sur notre quotidien.

Pour s’y replonger, une dizaine d’extraits vidéo divers seront accessibles – toujours en réalité augmentée – à l’aide d’un medium (tablette ou smartphone) qui déclenchera l’une des animations dès détection d’un des 225 cubes physiques composant l’oeuvre. Chaque cube imagé sera également proposé comme œuvre NFT unique avec différents niveaux d’animation et de rareté.

La représentation, avec Google Noir

Enfin, il s’agit de questionner la place des personnalités du monde noir et africain dans l’espace médiatique. Ces “héros” dont les hauts faits – voire la simple existence – auront pu suffire à inspirer d’autres après eux et qui sont rappelés, clamés même, dans cette geste qu’est Google Noir, sculpture de 225 cubes en bois d’épicéa.

La mise en valeur de figures aussi diverses que Malcolm X, Alain Mabanckou ou encore Ronaldo, participe d’un plus large débat sur la représentation du monde noir et africain, et de son existence dans l’espace médiatique et numérique.

Comment l’occupation de l’espace numérique devient-elle un enjeu de réappropriation ? D’aucuns parleraient de “déconstruction”. Comment occupe-t-on différents territoires numériques avec chacun leurs codes, figures tutélaires et communautés ?

Nous avons souhaité interroger ce point en créant un univers immersif, accessible à l’aide d’un casque de réalité virtuelle, que le visiteur pourra parcourir et au sein duquel il pourra interagir avec Google Noir et les personnalités qui le composent. Comme pour Tiraillés, chacun des 225 cubes sera proposé comme œuvre NFT unique, correspondant à chacune des personnalités.

En conclusion…  

Une oeuvre via l’utilisation de jetons non-fongibles (NFT).

En synthèse, ce projet inédit porté par ‘Neuvième Toit’ et Willow Evann interroge le temps qui passe, les distances parcourues et le lien qui unit différents territoires (physiques et numériques); la pratique artistique – forcément protéiforme – et les narratifs qui sous-tendent ses choix; l’engagement et le combat par le discours, la représentation et l’empathie, l’action individuelle ou collective, violente ou pacifiée.

À cet égard, il conviendra de noter que la technologie (Blockchain, NFT, réalité virtuelle, réalité augmentée) n’est pas une fin en soi mais bien un outil au service d’une idée ou d’un propos. En l’occurrence, il s’agit pour ‘Neuvième Toit’ et Willow Evann d’interroger “ce passé qui est dans notre présent et déterminera notre futur”.

Dans cette optique, l’usage de la Blockchain revêt une particularité intéressante puisqu’elle inscrit l’œuvre dans un espace-temps quasi-infini (une Blockchain étant immuable rétrospectivement). Ce qui contraste avec un patrimoine culturel, linguistique, spirituel africain qui a pu s’amenuiser – voire disparaitre – durant certaines périodes, à commencer par celle de la colonisation.

Mais tout en étant figée dans un temps perpétuel, l’œuvre NFT est animée dans l’espace puisqu’elle se meut devant les yeux de celui qui l’observe. Ce qui nous permet, finalement, de revenir à la définition initiale du mouvement, soit le “déplacement (d’un corps) par rapport à un point fixe de l’espace et à un moment déterminé.

Afriquinfos