Togo/An 10 de l’APG: Juin 2012, mois au cours duquel l’Opposition togolaise a manqué d’arracher des concessions utiles au pouvoir de Lomé

Afriquinfos
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Les Togolais ont commémoré ce 20 août 2016 le dixième anniversaire de la signature de l’APG (Accord politique global) qui était censé mettre fin aux querelles politiques qui empêchent depuis plus près de 3 décennies un véritable décollage économique et social (de ce petit pays d’Afrique de l’ouest qui jouit d’une pléthore d’atouts géostratégiques devant donner très rapidement un coup de fouet à sa croissance annuelle), comparativement à ses voisins directs que sont le Ghana, le Bénin et le Burkina Faso.

Une date, un évènement «stratégique» et historique aurait pu servir de coup d’accélérateur à la résolution d’une partie des géants maux politiques du Togo, si en juin 2012, les opposants togolais (rassemblés d’une manière hétéroclite au sein du CST-Collectif sauvons le Togo-) avaient affiché un peu plus de lucidité et concédé des concessions pragmatiques.

Radicalité classique compréhensible, fermeté coupable

Nous sommes le 12 juin 2012. Le printemps arabe avait commencé à produire ses effets en Afrique blanche, après les évènements qui ont précipité le départ du pouvoir de Ben Ali, en janvier 2011; nous sommes aussi 9 mois après l’assassinat du colonel Khadafi (un soutien lointain à l’époque au régime de Faure Gnassingbé) par une coalition France-Grande-Bretagne-USA.

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Prenant prétexte de la survivance de grosses injustices sociales, économiques (malgré la signature de l’APG), le CST organise une marche pour exiger du pouvoir de Faure Gnassingbé un début de solutions à ces importants maux de l’heure qui s’emboîtent les uns dans les autres.

Contre toute attente (la paupérisation est en partie passée par là), une immense foule (qu’on n’avait plus vue dans les rues de Lomé depuis les douloureux évènements de février à avril 2005, suite au décès du Président Eyadèma Gnassingbé) déferle sur le centre-ville de la capitale togolaise! Elle a été évaluée à au moins 100 mille personnes, avec pour point d’ancrage le carrefour de Deckon où elle va prétendre camper pour plusieurs jours, pour exiger hic et nunc le début d’opérationnalisation d’un certain nombre de réformes sociales et politiques.

Les composantes du CST seront elles-mêmes groggy par l’immensité du nombre des sympathisants et des militants de l’Opposition ou des causes des droits humains qui ont répondu spontanément à l’appel à manifester du 12 juin. Une machine solide et inattendue de contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé était ainsi en branle à partir de ce 12 juin 2012. Un certain nombre de décideurs militaires et politiques proches du parti au pouvoir à Lomé (UNIR) confesseront après ce 12 juin que «rarement le régime togolais sous Faure Gnassingbé aura montré des signes d’inquiétants agacements dans le cadre d’une manifestation publique, suite à cette mobilisation monstre».

Les manifestants et sympathisants qui venaient d’investir Deckon entreprennent d’y installer leur quartier, pour davantage mettre la pression sur l’exécutif togolais. Ils y resteront seulement une nuit !! Au terme d’une réunion de crise, les premiers responsables de la sécurité au Togo délogent tôt dans la matinée du 13 juin 2012, les participants au mouvement «Occupy Deckon». Violences, arrestations, saisies de matériels et mort d’une personne au moins sanctionneront cette opération de délogement.

Toutefois, point positif, l’Opposition via le CST se verra offrir une occasion inouïe de se faire écouter directement par les premières autorités du pays via la Primature. Premier ministre de l’époque, Gilbert Fossoun Houngbo propose le 28 juin au CST pour un déballage à la Primature, en présence de plusieurs diplomates accrédités au Togo. Les leaders du CST vont bouder cette rencontre, en exigeant entre autres la satisfaction d’une série de préalables (dont la libération de leurs partisans appréhendés le 12 juin 2012) avant tout début de marchandages politiques !

Une attitude qui marquera négativement pendant plusieurs mois plusieurs diplomates accrédités au Togo, même ceux qui lisaient l’actualité togolaise en toute objectivité. Plusieurs diplomates reprocheront en off aux opposants d’avoir pratiqué à ce moment décisif de «leur bras de fer avec le pouvoir» la politique de la chaise vide ! Aux dires de ces responsables de chancelleries présents en République togolaise, l’occasion était belle de venir embrayer sur les revendications légitimes du peuple en pleine mobilisation des populations, et surtout de se faire l’écho de ses revendications «devant des oreilles étrangères, en présence des officiels togolais».

UNIR plus que jamais serein et maître de la situation politique

La suite de ce nouveau rendez-vous raté avec l’histoire politique du Togo (pour enclencher un marchandage en position de force), on la connaît. Le Premier ministre Houngbo démissionnera (pour officieusement dénoncer le non-respect de son autorité par des officiers s suite aux évènements du 12 juin 2012), plusieurs tentatives de dialogue Opposition-parti au pouvoir ne se tiendront jamais, ou seront très vite tuées dans l’œuf, dès leur amorce.

Non seulement les principales revendications brandies par cette Opposition à l’époque ne seront jamais satisfaites durant les mois qui vont suivre le boycott du 28 juin 2012, mais aussi UNIR ne respectera pas le délai constitutionnel d’organiser les législatives en 2012.

C’est seulement en 2013 que ce scrutin législatif sera organisé, hue et dia, grâce à l’intervention in extremis des Présidents Ouattara et Goodluck Jonathan, après une médiation de Kadré Désiré Ouedraogo (Président de la Commission de la CEDEAO à l’époque).

Cette médiation a plaidé auprès des Opposants togolais pour qu’ils mettent de l’eau dans leur vin, face à la promesse officielle de Faure Gnassingbé d’engager l’opérationnalisation des réformes une fois les législatives tenues. Que nenni. Et le jeu dure depuis une décennie, devant une Opposition plus que jamais désunie, atone, dépourvue d’appuis régionaux face à l’armada diplomatique, politique et surtout financière du pouvoir en place et de ses divers soutiens en interne comme à l’extérieur du Togo.

Samir Georges & Bella Edith