Pour Soro, la Côte d’Ivoire connaît une « crise pré-électorale » et une « dérive autocratique »

Afriquinfos
5 Min de Lecture

L’ancien chef de la rébellion ivoirienne et candidat à la présidentielle de 2020, Guillaume Soro, en exil et qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt dans son pays, a estimé mardi que la Côte d’Ivoire connaissait une « crise pré-électorale », accusant les autorités de « dérive autocratique ». 

Lors d’une rencontre à Paris avec des journalistes, Guillaume Soro, qui est apparu déterminé et détendu, plaisantant régulièrement, a martelé qu’il maintenait sa candidature à la présidentielle.

« Ceux qui m’ont empêché de fouler la terre de mon pays ne m’empêcheront pas de m’adresser à vous et d’être candidat à la magistrature suprême », a insisté cette figure de la vie politique ivoirienne, populaire parmi la jeunesse, qui ambitionne de bousculer l’échiquier politique ivoirien. 

Il n’a pas précisé où il vivait en exil. 

- Advertisement -

Ex-Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, 47 ans, avait tenté le 23 décembre de revenir en Côte d’Ivoire, après six mois à l’étranger. Mais il était reparti en avion vers l’Europe après avoir appris qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt. Plusieurs de ses proches, dont des députés, ont été ensuite arrêtés. 

Guillaume Soro est notamment accusé par la justice ivoirienne d’avoir fomenté « une insurrection civile et militaire » pour s’emparer du pouvoir, ce qu’il nie.

« Cette cabale ne détournera pas l’Histoire de son cours inévitable », a-t-il lancé, en assurant : « Les Ivoiriens souhaitent le changement, c’est incontestable ». 

L’ancien Premier ministre a qualifié le mandat d’arrêt international contre lui « de fantasque, illégal et purement opportuniste » et assuré qu’il « ne cèderait pas au chantage ». 

Dix ans après la crise de 2010-2011 qui a fait 3.000 morts, le scrutin présidentiel ivoirien prévu en octobre s’annonce tendu. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.

Longtemps allié d’Alassane Ouattara, qu’il a aidé à porter au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011, Guillaume Soro s’est ensuite brouillé avec lui, jusqu’à la rupture début 2019. M. Ouattara, 77 ans, élu en 2010, puis réélu en 2015, laisse planer le mystère sur une possible candidature à un troisième mandat, bien que la Constitution n’en autorise que deux.

« Nouvelle fracture »

Critiquant avec virulence la situation actuelle en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro a dit attendre « beaucoup des Nations unies, de l’Union européenne » pour « éviter à la Côte d’Ivoire une nouvelle fracture, une nouvelle guerre ». 

« Le pouvoir actuel est aux abois (…) les symptômes d’une dérive autocratique s’accumulent: intimidations, arrestations arbitraires et torture, baîllonnement de l’opposition et soumission de la justice au pouvoir exécutif », a accusé l’ex-Premier ministre (2007-2012). « L’institution judiciaire indépendante n’existe plus, elle est devenue le bras armé du pouvoir politique », a-t-il accusé. 

« Ne laissons les nuages du despotisme assombrir notre ciel par une crise pré-électorale imposée », a-t-il déclaré.  

Présent aux côtés de Guillaume Soro mardi, l’un de ses conseils, William Bourdon, avocat au barreau de Paris, a dénoncé « les arrestations, perquisitions, placements en détention organisées de façon massive à compter du 23 décembre 2019 » dans l’entourage des partisans de M. Soro.

« Il n’y a aucun doute que ces arrestations de masse ont obéi à un calendrier judiciaire (…) qui a obéi à un calendrier politique », a-t-il lancé. Elles « ont été préméditées » et « orchestrées ». 

« J’ai deux jeunes frères qui sont tenus otages, ils sont pas politiques, on les a pris juste pour faire pression sur ma personne. De telles pratiques (…) nous les découvrons avec M. Ouattara, c’est quelque chose de surprenant », a commenté Guillaume Soro.  

William Bourdon a exprimé « sa préoccupation sur l’état de santé d’un certain nombre de détenus, qui seraient privés de soins », à propos aussi de « mauvais traitements voire de tortures » dont auraient été victimes des détenus, avant d’évoquer plusieurs « personnes disparues ». 

© Agence France-Presse