Onze ans après le massacre du stade de Conakry, les autorités promettent un procès « bientôt »

Afriquinfos
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Les autorités guinéennes ont promis lundi pour « bientôt » un procès du massacre d’opposants au stade de Conakry il y a onze ans, sans fixer de date, malgré l’impatience réitérée par la communauté internationale et les défenseurs des droits humains.

Le 28 septembre 2009, des militaires avaient tué au moins 157 personnes et violé 109 femmes dans le stade où étaient rassemblés des milliers d’opposants à la candidature à la présidentielle du chef de la junte, Moussa Dadis Camara, selon une commission d’enquête de l’ONU.

L’instruction judiciaire s’est achevée en décembre 2017, avec le renvoi d’une douzaine de prévenus devant un tribunal. Depuis un an, le ministère de la Justice s’est engagé à plusieurs reprises à ce que le procès se tienne en juin 2020, une échéance qui n’a pas été tenue.

« Après tant de brimades, de souffrances, le gouvernement guinéen nous humilie davantage« , a déclaré Saran Cissé, qui a dit à l’AFP avoir été violée et bastonnée le 28 septembre 2009.

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Le gouvernement du président Alpha Condé « refuse que ce procès se tienne, il a certainement quelque chose à se reprocher dans cette affaire« , a-t-elle estimé, appelant la Cour pénale internationale (CPI) à se saisir du dossier.

« On va de manœuvres dilatoires en manœuvres dilatoires« , a déploré Thierno Diallo, de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH).

« Onze ans après, on avait espéré qu’il y ait un procès, surtout que le gouvernement actuel n’est ni de près de loin, à ce que je sache, mêlé ou concerné par ce qu’il s’est passé« , a-t-il déclaré.

Un chargé de communication au ministère de la Justice, Sékou Keïta, a affirmé que le gouvernement avait rempli sa mission de permettre matériellement la tenue du procès.

« C’est maintenant au parquet de Dixinn (quartier de Conakry où se trouve le stade, NDLR) d’organiser le procès« , a-t-il ajouté.

Le procureur de Dixinn, Sidi Souleymane Ndiaye, a dit être « en train d’organiser le procès » et de « régler des formalités indiquées par le Code de procédure pénale« .

« Le procès va bientôt se tenir dans les locaux de la Cour d’appel de Conakry », a-t-il assuré.

Les ambassades américaine, française et la Délégation de l’Union européenne ont appelé la semaine dernière le gouvernement à « tenir un procès dans les plus brefs délais » afin de démontrer son engagement « à promouvoir la paix, à rejeter toutes les formes de violence et à défendre l’Etat de droit« .

Human Rights Watch (HRW) a appelé dans un communiqué le bureau du procureur de la CPI à faire pression sur les autorités « afin de donner une chance aux victimes encore en vie de participer à un procès qui marquerait une étape clé de la lutte contre l’impunité en Guinée« .

Ces appels interviennent moins d’un mois avant la présidentielle du 18 octobre. La candidature du président sortant Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, a suscité des mois de contestation. Elle a fait des dizaines de morts civils. Les défenseurs des droits humains ont dénoncé l’impunité dont bénéficient de longue date, selon eux, les services de sécurité guinéens.

Selon un rapport publié le 25 septembre par HRW, les forces de sécurité ont « failli à leur responsabilité de protéger la population de violences électorales et intercommunautaires tout en commettant elles-mêmes des violations des droits humains à Nzérékoré » (sud-est) en mars.

Selon l’ONG, au moins 32 personnes avaient été tués, dont deux par les forces de sécurité, lors des violences autour d’élections législatives et d’un référendum constitutionnel controversés.

De son côté, le « Fonds mondial pour les survivant.es » de violences sexuelles a appelé le gouvernement à « procéder immédiatement à l’organisation du procès et à la mise en place d’un programme de réparation« , pour les victimes du 28 septembre 2009.

« Une justice retardée est une justice refusée« , a affirmé le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 cité dans un communiqué.