Guinée: le front anti-Condé se fissure en vue de la présidentielle

Afriquinfos
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Le collectif qui conteste depuis des mois la candidature du président Alpha Condé à un 3ème mandat en Guinée s’est fracturé à l’approche de la présidentielle, en annonçant la mise à l’écart d’un de ses chefs qui a fait le choix de participer au scrutin plutôt que de le boycotter.

Le Front national de défense de la Constitution (FNDC), collectif de partis, de syndicats et d’organisations de la société civile, minimise la cassure. Il parle de « retrait volontaire » de Cellou Dalein Diallo, l’un de ses principaux dirigeants, ainsi que des autres responsables de partis au sein du FNDC ayant décidé de concourir au scrutin du 18 octobre, présenté par le Front comme dénué de légimité.

Exclusion ou retrait, c’est en tout cas un évènement susceptible de changer la donne avant une élection jugée à risques, tant la contestation a été vive depuis un an. Il survient à l’approche de l’ultime ligne droite, le jour même où la Cour constitutionnelle a validé 12 des 13 candidatures déposées, dont celle de M. Condé et de M. Diallo, qui passe pour son principal challenger.

La Guinée, ancienne colonie française d’Afrique de l’Ouest, dont plus de la moitié des 12 millions d’habitants vit dans la pauvreté malgré la richesse du sous-sol, est parcourue depuis des mois par des tensions politiques meurtrières.

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Le FNDC a fait descendre depuis mi-octobre 2019 des milliers de Guinéens dans la rue pour faire barrage à un troisième mandat de M. Condé. La contestation a donné lieu à des heurts et été plusieurs fois durement réprimée.

Des dizaines de civils ont été tués. Dans une déclaration publiée mercredi, le FNDC parle de 93 morts et de centaines de personnes blessées et emprisonnées.

Ancien opposant historique, M. Condé, 82 ans, premier président démocratiquement élu en 2010 après des décennies de régimes autoritaires, puis réélu en 2015, a entretenu le flou sur ses intentions le plus longtemps possible.

Il a mis un terme définitif à l’ambiguïté le 2 septembre en confirmant qu’il briguerait sa propre succession. Lui et ses partisans soutiennent que la nouvelle Constitution qu’il a fait adopter en mars dans la controverse – et qui limite, comme la précédente, à deux les mandats présidentiels – remet son compteur personnel à zéro et lui permet de se présenter à nouveau.

Le « dilemme » de Diallo

Ses adversaires dénoncent un « coup d’Etat constitutionnel » et l’accusent de dérive autoritaire. Avec la confirmation de sa candidature, le FNDC a annoncé de nouvelles manifestations. La contestation va entrer dans une phase « décisive« , a averti le FNDC.

En déclarant dimanche se lancer dans la course présidentielle, l’ancien Premier ministre (2004-2006) Cellou Dalein Diallo a mis à mal la cohésion de la contestation.

Comme le FNDC, M. Diallo avait boycotté en mars les législatives et le référendum constitutionnel qui a préparé le terrain à la candidature de M. Condé. Il y a perdu son siège de député et le statut de chef de l’opposition parlementaire.

Mais, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle de 2010 et battu au second par M. Condé, il s’annonce comme le futur finaliste du scrutin face au chef de l’Etat sortant.

M. Diallo a dit dimanche avoir dû trancher un « dilemme » entre boycotter ou participer, malgré une « Constitution falsifiée (…) un fichier électoral tronqué et taillé sur mesure, une (commission électorale) et une Cour constitutionnelle totalement inféodées à Alpha Condé« . Mais « pour accéder au pouvoir, il faut participer à des élections« , a-t-il expliqué.

Le FNDC « prend acte » de la décision de M. Diallo de prendre part à cette « mascarade électorale« , a déclaré à la presse le coordinateur du collectif, Abdourahmane Sanoh. Ousmane Kaba, président du Parti des démocrates pour l’espoir (Pades) et Abdoul Kabélé Camara, président du Rassemblement guinéen pour le développement (RGD), autres membres du FNDC, ont pris la même décision de se présenter au scrutin.

« De cette décision découle naturellement leur retrait volontaire du mouvement« , a poursuivi M. Sanoh. Il n’a fourni aucune indication sur la poursuite de la mobilisation, son calendrier ou ses modalités.