Tirs croisés contre le pouvoir de Goïta après la mort en détention du politique-expert Boubèye Maïga

Afriquinfos Editeur
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Bamako (© 2022 Afriquinfos)- L’annonce lundi de la mort de l’ancien Premier Ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga dans une clinique bamakoise a jeté un froid dans un climat politique malien déjà pesant du fait de la Transition et ses corollaires sécuritaires. Les réactions au plan local et international n’ont pas été tendres avec la junte militaire qui a opposé une fin de non-recevoir aux multiples requêtes du transfèrement médical de l’homme politique.

Les négociations et lobbying de Chefs d’Etat de la sous-région ont été nombreux en faveur de l’évacuation médicale de l’ancien Premier ministre emprisonné depuis août 2021. L’homme politique âgé de 68 ans était malade et a dû être interné depuis quelques semaines dans une clinique de la capitale malienne où il a rendu l’âme ce lundi. Ainsi, l’annonce de son décès a bruyamment fait réagir la classe politique locale.

Un de ses proches, Hamidou Issoufi Maïga, a réagi au micro de DW, en indiquant: «Sa famille et ses médecins avaient alerté sur son état de santé, mais en vain… Il y a quand même des choses qui restent sur la conscience des hommes». C’est aussi ce que pense Cheick Oumar Diallo de l’association Nouvel horizon/Faso Djo Sira qui s’interroge sur la signification même de la justice, en parlant de «circonstances extrêmement tristes».

A l’international, c’est au Niger voisin, où les dirigeants locaux sont réputés pour ne pas porter la junte militaire malienne dans leur cœur, qu’on a surtout réagi promptement. Le Président Mohamed Bazoum n’a pas hésité à considérer le décès de Soumeylou Boubèye Maïga comme un assassinat: «Sa mort en prison rappelle celle du Président Modibo Keïta en 1977». Avant d’enfoncer le clou en ces termes: «Je pensais que de tels assassinats relevaient d’une autre ère», a-t-il écrit sur Twitter. Son ministre des Affaires étrangères y est allé aussi de son coup de gueule: «C’est avec une grande tristesse que je viens d’apprendre la mort en détention de Soumeylou Boubèye Maïga. Cette figure de la démocratie malienne va tourmenter pour toujours ses assassins animés par la haine de la liberté et le sentiment de revanche d’un ordre à jamais révolu», a souligné le chef de la diplomatie nigérienne.

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L’ex-ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Alpha Barry, regrette lui aussi la mort de l’ancien PM, mettant en avant son expertise dans la gestion des conflits régionaux. Il a notamment salué la «faculté de compréhension et d’analyse des phénomènes terroristes». Le journaliste Francis Kpatindé qui connaissait personnellement Boubèye Maïga a déploré le «manque d’humanisme» de la junte militaire qui est restée sourde à toutes les sollicitations de la famille de l’ancien Chef de Gouvernement, malgré toutes les garanties données pour son retour au Mali après ses soins. «Ce qui est choquant, c’est qu’on l’ait laissé crever comme un chien», regrette l’analyste politique Kpatindé.

Le Ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, dit avoir perdu un ami personnel: «C’est avec une immense tristesse que j’ai appris le décès de Soumeylou Boubèye Maïga, éminent homme d’Etat malien, africaniste engagé et ami personnel. Mes sincères condoléances à sa veuve, à tous les siens ainsi qu’à ses proches. Puisse Dieu l’accueillir dans son vaste paradis», a écrit le diplomate. Avec le décès en détention de Soumeylou Boubèye Maïga, les autorités de la Transition au Mali, déjà en porte-à-faux avec les pays de la sous-région, risquent d’être un peu plus isolées.

Boniface T.