Atteintes à la liberté de la presse en lien avec la Covid-19: RSF énumère les mauvais élèves en Afrique

Afriquinfos Editeur
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Reporters sans frontière en Afrique

Paris (© 2020 Afriquinfos)- En Afrique, la pandémie de la Covid-19 a favorisé l’augmentation des exactions contre les journalistes, l’affaiblissement économique des médias, ou encore l’édification de lois liberticides. C’est ce que révèle  un rapport de RSF (Reporters sans frontières)  en partenariat avec Cartooning for peace (association internationale de caricaturistes).

Sur les 48 pays d’Afrique subsaharienne, 29 sont concernés par au moins une violation de la liberté d’informer en lien avec la Covid-19. Cependant, 38%  des violations ont été enregistrées dans seulement trois pays : le Nigéria (15 cas), le Zimbabwe (14) et l’Ouganda (12).

Dans le document publié, RSF appelle les gouvernements africains à tirer tous les enseignements de la crise sanitaire ayant marqué cette année 2020 pour ne pas affaiblir davantage la production d’information indépendante, mise à rude épreuve sur le continent. L’exemple palpable de Tholi Totali Glody, journaliste pour «Alfajari TV», l’une des chaînes phares du Haut-Katanga (une province de la République démocratique du Congo), renversé délibérément de sa moto par les forces de l’ordre, alors qu’il essayait d’expliquer qu’il était dans la rue pour couvrir le confinement décrété par le gouverneur du Haut-Katanga est évocateur à ce titre.

Le 24 mars 2020, le reportage du journaliste se termine à l’hôpital par la pose d’un plâtre sur sa jambe fracturée. Quelques jours plus tard, en Afrique du Sud, la reporter de «News24» Azarrah Karrim filme elle aussi la mise en œuvre du confinement généralisé instauré par les autorités lorsqu’elle est visée par des tirs de balles en caoutchouc de la part des forces de sécurité. Lors du dépôt de sa plainte, les policiers s’en amusent entre eux : “Ils vous ont loupée ? Quel gâchis !”

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Des cas qui parlent

Quand les journalistes ne sont pas physiquement pris à partie pour leur couverture de l’épidémie, ils sont très souvent arrêtés. Au Nigéria, Kufre Carter, journaliste pour «XL 106.9 FM», une radio locale du sud-est du pays, est arrêté le 27 avril par le State Security Service (SSS), une unité normalement chargée de la sécurité intérieure et du contre-terrorisme. Accusé de conspiration et de diffamation, le reporter passera un mois en détention pour avoir critiqué la gestion de la crise sanitaire par les autorités locales.

Au moment de la rédaction de ces lignes, Dieudonné Niyonsenga, qui dirige «Ishema TV», une web télé rwandaise, demeure le seul journaliste africain emprisonné pour avoir «enfreint les règles du confinement». Au moment de son arrestation, il couvrait les effets des mesures décidées par les autorités sur la population et enquêtait sur des allégations de viols qui auraient été commis par des soldats chargés de faire respecter le couvre-feu.

Pour éviter le pire, certains ont dû fuir. Eugène Dube, le rédacteur en chef du site d’information «Swati Newsweek», a quitté l’Eswatini après avoir mis en cause la gestion de l’épidémie par les autorités. Dans la dernière monarchie absolue d’Afrique, toute critique du roi Mswati III peut être interprétée comme de la “haute trahison”, un crime passible de la peine de mort. Paul Nthoba, le directeur du journal communautaire sud-africain «Mohokare News», s’est quant à lui réfugié  au Lesotho après avoir été agressé et menacé par des policiers lors d’une opération menée pendant le confinement. C’est la première fois dans l’Afrique du Sud post-apartheid qu’un journaliste est contraint de fuir à l’étranger pour avoir exercé son métier !

Au plus fort de la crise, entre le 15 mars et le 15 mai 2020, le nombre d’agressions (23) et d’arrestations arbitraires (31) de journalistes en Afrique sub-saharienne aura triplé par rapport à la même période en 2019 d’après les informations recueillies sur l’Observatoire 19. Cet outil lancé par RSF pour documenter les impacts de la pandémie sur le journalisme, a permis de recenser un total de 109 atteintes à la liberté de la presse depuis le début de la crise sanitaire sur le continent africain.

Vignikpo Akpene