Le héros d' »Hôtel Rwanda » inculpé pour terrorisme et financement de rébellion

Afriquinfos
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Paul Rusesabagina, dont l’histoire pendant le génocide des Tutsi en 1994 a inspiré le film « Hôtel Rwanda », a été inculpé lundi notamment pour terrorisme, meurtre et financement de rébellion par un tribunal de Kigali.

Visiblement éprouvé, M. Rusesabagina a demandé au tribunal de lui accorder une remise en liberté sous caution, affirmant avoir besoin de soins médicaux « constants« , mais l’accusation a estimé qu’il présentait un risque de fuite à l’étranger. Le tribunal se prononcera sur sa requête jeudi.

La police rwandaise avait annoncé fin août, à la surprise générale, l’arrestation de M. Rusesabagina, un féroce critique du gouvernement de Paul Kagame, qui vivait en exil aux Etats-Unis et en Belgique depuis 1996.

« Hôtel Rwanda » décrit comment M. Rusesabagina, un Hutu marié à une Tutsi, a sauvé en 1994 plus de 1.200 personnes abritées dans l’hôtel des Mille Collines à Kigali, dont il était le directeur, en usant de son influence auprès des miliciens hutu.

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Une forte présente policière était visible lors de cette première audience à Kigali.

La présidente du tribunal a lu les 12 charges qui pèsent contre l’opposant, ces dernières incluant notamment terrorisme, formation et financement de groupes militants, meurtre et incendies volontaires.

L’accusé, qui portait un masque, une veste à carreaux et un pantalon kaki, a refusé de plaider coupable ou non coupable, expliquant qu’il le ferait quand débutera son procès sur le fond.

« Comme mes avocats l’ont dit, je suis malade et j’ai besoin de soins médicaux constants. Ces deux dernières semaines, j’ai été à l’hôpital trois fois. Je demande une libération sous caution et je vous assure que je ne fuirai pas la justice« , a-t-il déclaré.

« Disparition forcée »

Après le génocide, M. Rusesabagina, un Hutu, est progressivement devenu critique envers le pouvoir du président Paul Kagame, l’accusant d’autoritarisme et d’alimenter un sentiment anti-hutu dans le pays.

Ses partisans affirment que le régime de Kigali s’est employé à ternir son image. Après la sortie d' »Hôtel Rwanda« , des survivants du génocide, qui a fait 800.000 morts selon l’ONU, dans leur grande majorité des Tutsi mais également des Hutu modérés, ont questionné l’héroïsme de M. Rusesabagina, l’accusant d’avoir tiré profit de leurs souffrances.

En 2018, ce dernier avait fondé le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), soupçonné d’avoir un bras armé, le Front de libération nationale (FLN), un groupe considéré comme terroriste par Kigali.

A plusieurs reprises, M. Rusesabagina a publiquement exprimé son soutien au FLN mais son éventuelle implication dans le mouvement rebelle, qui a déjà mené plusieurs attaques armées sur le sol rwandais, demeure floue.

Devant le tribunal, il a reconnu avoir envoyé 20.000 euros au commandant des FLN Callixte Nsabimana, alias Sankara, également poursuivi pour des charges similaires, mais il a démenti tout financement des activités du groupe.

« J’ai grandi dans la même zone que Sankara au Rwanda et mon épouse est très proche de sa mère. La somme que j’ai envoyée était destinée à couvrir des frais médicaux pour un enfant sous sa responsabilité« , s’est-il défendu.

Sa famille estime que les charges retenues contre lui sont politiques. Elle pense par ailleurs qu’il a été enlevé au cours d’un voyage à Dubaï, estimant qu’il ne serait jamais retourné de lui-même au Rwanda.

Elle a par ailleurs dénoncé le fait que leur proche n’a pas eu accès à un avocat de son choix jusqu’à présent.

Human Rights Watch (HRW) a estimé vendredi que M. Rusesabagina avait été victime d’une « disparition forcée », dont les autorités rwandaises devraient répondre de manière exhaustive.

Le président rwandais, Paul Kagame, a démenti qu’il ait été enlevé, mais laissé entendre qu’il pourrait avoir été trompé sur sa destination finale.