Ethiopie: Etat d’urgence dans un pays rattrapé par les méfaits de l’ostracisation du pouvoir de ses dirigeants

Afriquinfos
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Addis-Abeba (Afriquinfos 2016) – Dans une allocution retransmise sur la télévision nationale, les autorités éthiopiennes ont annoncé ce dimanche 9 octobre l’état d’urgence pour une période de six mois dans tout le pays. Une décision prise après plusieurs mois de violents troubles dans le pays, et qui conforte la hantise des troubles sociaux-politiques dans cet Etat à une économie dynamique.

Cette déclaration d’état d’urgence intervient suite à une semaine marquée par des violences dans la région Oromo (communauté qui s’oppose à un projet d’agrandissement d’Addis-Abeba, car elle craint que les travaux empiètent sur ses terrains) et dans la périphérie d’Addis-Abeba où des manifestants se sont attaqués aux biens des étrangers et ont érigé des barricades. Même des édifices publics ont été la cible d’actes de vandalisme.

«L’Etat d’urgence est nécessaire parce que la stabilité de notre pays est compromise», a justifié Hailemariam Desalegn, le Premier ministre éthiopien. «Nous nous donnons comme priorité la sécurité des citoyens. De plus, nous voulons mettre fin aux dommages causés à nos infrastructures, à des centres de santé, des bâtiments de l’administration et de la justice», a-t-il détaillé.

Entre jeudi et vendredi derniers, des complexes touristiques et des usines, dans le centre et l’ouest, ont été brûlés et des intérêts étrangers menacés. «Le Lodge est complètement détruit, incendié à 100%», a relaté une employée de l’hôtel Bishangari Lodge (une des principales destinations touristiques de la région Oromo) situé sur les rives du lac Langano, au sud d’Addis-Abeba.

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Onze  (11) entreprises, parmi lesquelles des usines de textile et de plastique ont également été incendiées ainsi qu’une soixantaine de véhicules, dans la seule zone industrielle de Sebeta, à l’ouest d’Addis. Une ferme fruitière néerlandaise, «AfricaJuice», située dans l’Awash au sud-est, avait été saccagée. Une Américaine, chercheuse en biologie à l’Université de Californie, a été également tuée. Sa voiture a été la cible de jets de pierre.

Vives protestations sectaires

«Ces compagnies prennent la terre des paysans sans compensations suffisantes. Il est très difficile d’obtenir un travail dans ces entreprises. Seul un petit groupe de personnes en bénéficient. Nous n’en tirons aucun bénéfice», s’est  indigné Barnabas, un jeune Oromo. Il a déploré le silence du Gouvernement face aux revendications de sa communauté, car cela fait presqu’un an qu’ils manifestent.

C’est en novembre 2015 que les manifestations ont commencé dans les villes et universités importantes de l’Oromia. Cette population se dit laissée-pour-compte par la minorité au pouvoir (les Tigréens). La répression fut brutale ; l’année dernière, une autre communauté, Amhara, s’est dite marginalisée et avait fait part de ses vives contestations à l’égard du pouvoir en place.

Selon divers observateurs, l’état d’urgence ne changera pas grand-chose dans l’actuelle situation de l’Ethiopie. Ils estiment que le gouvernement utilise déjà une loi anti-terroriste  qui a permis d’envoyer en détention bon nombre de dissidents, de journalistes et de critiques. L’état d’urgence  de six (06) mois indique que le pouvoir en place a opté pour la main forte contre les protestataires dont les actions sont désorganisées, spontanées, mais qui ne faiblissent pas. Et ce depuis presqu’un an, malgré des violentes répressions brutales.

 Anani   GALLEY