Rwanda: Débat autour de l’enseignement sur le génocide

Afriquinfos
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Kigali (© Afriquinfos 2017)-La génération post-génocide  de 1994 s’est vue inculquer le concept de « rwandanité » dès son plus jeune âge.

Ces jeunes nés après le génocide étudient aussi à coup de définitions officielles comment les divisions ethniques ont conduit aux massacres et à oublier ces divisions, ce que le gouvernement considère comme un pilier essentiel de l’unité et de la réconciliation.

Sauf que certains observateurs dénoncent ce qu’ils estiment être l’enseignement d’une version restrictive d’un douloureux passé, couplé à une interdiction de débattre de l’appartenance ethnique et du génocide. Dans un pays où toute dissidence est sévèrement punie, disent-ils, les élèves apprennent surtout à régurgiter ce qui leur est appris, sans questionnement.

« Il y a une histoire officielle dans le pays, d’où aucune déviation n’est permise », juge Elisabeth King, chercheuse américaine et auteure de l’ouvrage « From Classrooms to Conflict in Rwanda » (« Des salles de classe au conflit au Rwanda »), publié en 2009.

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Selon elle, l’effacement des ethnies n’est pas en phase avec la réalité d’un pays dans lequel l’ethnicité structure encore la vie quotidienne et où il n’est, par exemple, pas rare que des familles s’opposent aux mariages inter-ethniques.

– Pays impossible –

Au lendemain du génocide au cours duquel quelque 800.000 personnes ont été tuées, essentiellement parmi la minorité tutsi, l’Américain Philip Gourevitch, auteur d’un livre sur le génocide, qualifiait le Rwanda traumatisé de « pays impossible ».

Se voulant pragmatique, le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, qui venait de prendre le pouvoir en renversant le régime extrémiste hutu ayant déclenché les massacres, a répondu en misant sur l’éducation afin d’éviter que l’histoire ne se répète: les cours d’histoire ont alors été suspendus, le temps que le pays réécrive son passé.

« Avant le génocide, l’enseignement insistait sur les divisions entre les Rwandais », soutient Jean-Damascène Gasanabo, responsable du centre de recherche et de documentation de la Commission nationale de lutte contre le génocide.

Les manuels scolaires dépeignaient la minorité tutsi comme « des envahisseurs étrangers », tout en détaillant les moyens de les distinguer physiquement, énumère-t-il, affirmant qu’il n’était pas rare que les professeurs demandent aux Tutsi de se lever, pour les compter.

Désormais, les livres d’école décrivent par exemple ce que Mme King qualifie « d’âge d’or pré-colonial » imaginaire dans lequel les conflits entre Hutu et Tutsi étaient inexistants. La responsabilité du génocide, dit-elle, y est entièrement rejetée sur les colonisateurs belge et allemand.

La dernière refonte des programmes scolaires, en 2016, fait de l’enseignement du génocide un sujet transversal pouvant être abordé dans toutes les matières. Elle introduit également l’utilisation de la « pensée critique » dans un pays pourtant régulièrement pointé du doigt pour ses atteintes à la liberté d’expression selon Mme King.

Vignikpo Akpéné