Slovaquie: le gouvernement met en jeu un million d’euros pour élucider l’affaire Kuciak

Afriquinfos
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Bratislava (© Afriquinfos 2018)-La Slovaquie est encore sous le choc après l’assassinat du journaliste Jan Kuciak, tué par balles ainsi que sa compagne. L’enquêteur spécialisé dans les affaires de fraude fiscale s’était fait beaucoup d’ennemis, notamment dans le secteur de l’immobilier.

Jan Kuciak et sa compagne Martina Kusnirova ont été assassinés dans leur propre domicile. Leurs corps ont été retrouvés sous leur propre toit, à Velka Maca, à environ 65 kilomètres à l’est de Bratislava. C’est le cinquième meurtre perpétré dans l’Union européenne en 10 ans, selon RSF. « Le double meurtre a été commis entre jeudi et dimanche », selon la police.

Le jeune journaliste de 27 ans travaillait pour le site aktuality.sk, propriété de l’allemand Axel Springer et du suisse Ringier. La police a ouvert lundi 26 février une enquête, le crime étant « très probablement lié » aux articles de la victime.

Si cette piste se confirme, « il s’agirait d’une attaque sans précédent contre la liberté de la presse et contre la démocratie en Slovaquie », s’est indigné le premier ministre slovaque, Robert Fico. Ce dernier a promis un million d’euros pour toute information susceptible de faire avancer la police.

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Un million d’euros mis en jeu

Le Premier ministre slovaque Robert Fico a présenté mardi aux journalistes plusieurs piles de billets de banque représentant une prime d’un million d’euro. Une prime offerte en échange d’informations susceptibles d’aider à trouver les responsables du crime.

Mardi, M. Fico a indiqué qu’il allait rencontrer les rédacteurs des principaux médias pour les assurer « que la protection de la liberté d’expression et la sécurité des journalistes est une priorité » pour son gouvernement.

De son côté, le ministre de l’Intérieur slovaque Robert Kalinak a déclaré aux journalistes qu’il souhaitait qu’un journaliste, probablement le rédacteur en chef de aktuality.sk, fasse partie de l’équipe des enquêteurs.

Selon des médias locaux, Jan Kuciak s’apprêtait à publier un article sur de possibles connexions entre des hommes politiques slovaques et des hommes d’affaires italiens, eux-mêmes soupçonnés d’être liés à la mafia calabraise ‘Ndrangheta’ opérant en Slovaquie.

« Le meurtre d’un journaliste à cause de son travail, c’est peut-être possible dans les Balkans, peut-être au Moyen Orient, cela arrive sûrement en Russie, mais pas dans l’Union européenne. Il n’y a qu’une réponse à ce genre d’acte – finir son travail », a déclaré Arpad Soltesz, un journaliste travaillant pour la télévision slovaque JOJ et ancien collègue de Jan Kuciak.

La Slovaquie, membre de l’UE et de la zone euro, n’est pourtant pas parmi les derniers du classement mondial 2017 de RSF sur la liberté de la presse : 17e place sur 180, avec toutefois une perte de 5 places par rapport à l’année précédente

Jan Kuciak s’était fait beaucoup d’ennemis

Mais Jan Kuciak s’était fait beaucoup d’ennemis. Il avait centré ses dernières investigations sur des fraudes aux fonds structurels européens possiblement commises par la mafia italienne en Slovaquie.

L’an dernier, il s’était aussi mis à dos l’entrepreneur immobilier Marian Kocner, à travers l’affaire « Five Star Residence », du nom d’un complexe d’appartements de luxe à Bratislava. L’opération aurait permis des fraudes à la TVA à hauteur de 12 millions d’euros, aux dires du journaliste assassiné.

L’Agence criminelle nationale (NAKA) avait classé cette affaire. Marian Kocner, toutefois, était allé jusqu’à menacer le journaliste par téléphone. Le businessman voulait lancer un site sur lequel il livrerait des informations sur la vie privée de plumes qui dérangent. Jan Kuciak figurait sur sa liste noire.

Dans ce pays de 5,4 millions d’habitants, ce meurtre soulève à nouveau la question de la corruption qui avait déjà suscité en juin des manifestations de jeunes réclamant le limogeage de plusieurs ministres du gouvernement de gauche de Robert Fico.

Xavier-Gilles CARDOZZO