Centrafrique : L’ONU commence son investigation sur les violations des droits de l’Homme

Afriquinfos Editeur
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La commission, mandatée par le Conseil de sécurité de l'ONU et dirigée par le Camerounais Bernard Acho Muna, veut "mettre un terme à l'impunité" qui règne dans le pays.

La Centrafrique est "un pays qui est en train de se vider de sa population musulmane", passée de 15% environ à 2% de la population totale, s'est alarmé lundi le conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention des génocides, le Sénégalais Adama Dieng.

Pour Bernard Acho Muna, juge à la Cour Suprême du Cameroun et ancien procureur en chef adjoint du Tribunal pénal international pour le Rwanda, "un génocide commence toujours avec de la propagande incitant à la haine".

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"Nous espérons que notre présence et le fait que nous enquêtions soient un signal pour que les gens orchestrant la propagande ne passent pas à l'action", a-t-il déclaré.

'établir les faits'

Depuis mars 2013 et le renversement de François Bozizé par la coalition rebelle Séléka de Michel Djotodia, des crimes massifs ont été commis, en toute impunité jusque présent, contre la population en Centrafrique.

Ces crimes – meurtres, viols, vols, incendies d'habitations – ont été pendant des mois l'apanage des combattants Séléka (majoritairement musulmans), à Bangui mais aussi en province.

L'émergence pendant l'été des milices d'auto-défense villageoises anti-balaka (majoritairement chrétiennes) a donné à ces crimes une nouvelle ampleur avec un cycle de représailles et contre-représailles menées par anti-balaka et Séléka contre les populations civiles, avec des massacres et des villages incendiés.

Depuis décembre et les tueries de masse dans la capitale, les anti-balaka avec dans leur sillage des bandes de pillards s'en prennent systématiquement aux civils musulmans, contraints à l'exode, sur fond de "nettoyage ethnique" selon Amnesty International. Des bandes armées issues de l'ex-Séléka continuent elles aussi à semer la terreur dans des localités de province.

Au total, les violences intercommunautaires ont fait des milliers de morts et un quart des 4,6 millions de Centrafricains sont déplacés, provoquant une situation humanitaire désastreuse.

Parallèlement à la commission d'enquête de l'ONU, la Cour pénale internationale (CPI) s'est elle aussi emparée du dossier centrafricain. Le 7 février, le procureur de la CPI a annoncé l'ouverture d'un "examen préliminaire", préalable à une enquête, sur des crimes "graves" commis en République centrafricaine.

Bernard Acho Muna a relevé que la situation en République centrafricaine "est unique, elle est caractérisée par l'effondrement de l'ordre public, le vide du pouvoir, l'absence d'autorités de police et judiciaires".

La commission d'enquête est composée de trois personnes. Outre le président, elle comprend Fatima M'Baye, présidente de la commission mauritanienne pour les droits de la femme et vice-présidente de la Fédération internationale des droits de l'homme, et Jorge Castaneda, ancien ministre des Affaires étrangères du Mexique.

Les enquêteurs doivent rester au total deux semaines en Centrafrique, dont trois jours à Bangui. Elle se rendra dans le pays "partout où c'est nécessaire pour établir les faits", a dit son président.

Elle doit rencontrer les autorités gouvernementales, les autorités locales, les chefs de villages, les représentants d'ONG, les commandants des troupes françaises et de la Mission de l'ONU et de l'Union africaine, et se rendre dans les camps de déplacés et de réfugiés.

Elle remettra un premier rapport au Conseil de sécurité de l'ONU en juin prochain.