Football : L’hypothétique vie après la carrière des joueurs africains…

Afriquinfos
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COTONOU (© 2018 Afriquinfos) – Il y a une vie après le football. Beaucoup de joueurs ont du mal à s’adapter à leur seconde vie, après leur carrière. Et cela se ressent beaucoup plus chez les footballeurs africains qui mènent une vie de misérable, faute d’un plan de carrière adéquat.

 

 

La valeur marchande de certains footballeurs qui surclassent les autres dépasse tout entendement dans le monde contemporain. Le transfert de Neymar du club catalan FC Barcelone au Paris Saint Germain en a été une preuve. 222 millions d’euros dépensés! Et comme si cela ne suffisait pas, le club français a de plus déboursé plus de 100 millions d’euros pour s’acheter les services du jeune prodige Kylian Mbappé. Ces transferts astronomiques ne sont plus réservés aux joueurs sud-américains ou européens.

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De plus en plus de joueurs africains figurent dans le top 5 des footballeurs dont la valeur marchande s’avère stratosphérique. Le Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang aurait pu être le joueur dont le transfert a été le plus cher de l’histoire du football africain. En début du mercato estival 2017, un club chinois s’était montré très intéressé par le profil de cet attaquant gabonais. Il lui a proposé un salaire annuel net de 50 millions d’euros ! Ces montants dénotent que le niveau du footballeur africain s’est considérablement relevé, à telle enseigne que même les plus grosses écuries européennes n’hésitent plus à casser leur tirelire pour enrôler un joueur d’origine noire. Cependant, au firmament de leur gloire, beaucoup de footballeurs africains n’abordent pas convenablement leur retraite, et se laissent parfois surprendre par leurs âges.

La gloire a une existence éphémère

Jusqu’à une époque récente, l’après-carrière des footballeurs africains était globalement déplorable. Ils tombent dans la misère et sont obligés de raser les murs. Plus grave, leurs fédérations nationales pour lesquelles ils ont donné de leur sueur, ne leur réservaient même pas un poste dans leurs bureaux. Au Togo, c’est le cas. A la fin de sa carrière, un célèbre footballeur est devenu surveillant d’un cimetière.

Ces cas foisonnent ailleurs sur le continent africain. La fin de Rashidi Yekini est un exemple palpable de la mauvaise gestion de la retraite des footballeurs. Au Cameroun, Eric Djemba-Djemba ancien joueur du mythique club anglais Manchester United n’a non plus connu une fin de carrière à la hauteur de son talent. Son aîné, Roger Milla (désigné meilleur joueur africain du siècle précédent) qui a fait danser toute l’Afrique (lors de la Coupe du monde 1990 en battant la Colombie emmenée par un très virevoltant Carlos Valderrama), a aussi échappé de peu à ce triste sort. Il a fallu la reconnaissance de son talent par son pays, le Président Biya et la Confédération africaine de football (CAF) pour que le Lion indomptable puisse continuer par jouir jusqu’aujourd’hui des fruits de son travail en dehors des aires de jeu.

Prise de conscience pour une bonne reconversion

Abedi Pele, le très talentueux footballeur ghanéen de sa génération s’est reconverti en agent de joueurs. Il a créé un Centre de formation de football à travers lequel il fait des affaires en vendant les talents émérites. Georges Weah du Liberia, le seul Africain jusqu’à ce jour primé «Ballon d’or», s’illustre beaucoup plus sur le terrain politique.

A l’image de ces deux joueurs, beaucoup sont devenus de bons planificateurs. Ils se sont lancés dans les affaires. «Je me suis engagé dans le secteur de l’immobilier où j’estime que le besoin est réel. Mes collaborateurs et moi allons construire des logements sociaux. C’est bien pour les Camerounais, en ce sens que cela permet de créer des emplois, mais aussi de loger certains de nos frères», se justifie le Camerounais Geremi Njitap, ancienne gloire du Réal de Madrid et de Chelsea, qui  s’est reconverti dans l’immobilier avec sa société  immobilière GNF. Même s’il n’a pas été une grande star dans le monde du football comme beaucoup de sa génération, Jimmy Adjovi-Boco, ancien joueur béninois du club français RC Lens, a créé le concept de «Garage solidaire» qui consiste à réparer soi-même son véhicule avec l’aide de professionnels de la mécanique. Son entreprise connaît du succès avec 200 clients et une cinquantaine d’abonnés.

Continuer à gagner de l’argent sur le terrain, même à la retraite

Certains de ces footballeurs ne sont pas pour autant éloignés des terrains. Leur reconversion les a encore rapprochés des aires de jeu. Visiblement, pour eux, le bonheur est toujours dans le pré. Parmi eux, on retient El Hadji Diouf. Il a été fait ambassadeur itinérant du football par le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall. L’ex-sociétaire du club anglais de Liverpool est également conseiller sportif.

Cette reconversion se voit aussi chez le Camerounais Rigobert Song. Il s’est retrouvé dans la peau de «Team manager des Lions Indomptables» et coach de l’équipe nationale locale. Sollicité par le Tchad pour devenir sélectionneur, l’ancien capitaine a opté pour le poste d’entraineur des Lions A’. Son compatriote Joseph-Antoine Bell, talentueux gardien de but qui a évolué à  l’Olympique de Marseille en France, est consultant sportif à Radio France Internationale (RFI) depuis plus d’une décennie.  De même Patrick M’boma officie depuis quelques années comme consultant sportif sur les chaînes de sport «CANAL+ Afrique», tout comme le Congolais Roger Hitoto.

Sur la liste des joueurs africains qui ont réussi leur reconversion, le Nigérian Stephen Keshi (décédé en 2016) apparaît aussi comme celui qui a brillamment réussi. Il était l’un des rares africains à s’imposer comme sélectionneur de son pays. A la tête des Super Eagles l’équipe nationale, il a gagné la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2013. On pourrait ajouter d’autres exemples mais le nombre des joueurs africains ayant réussi leur reconversion n’est pas comparable aux milliers des footballeurs africains qui tombent dans la précarité après leur carrière. C’est le signe que la prise de conscience n’a pas encore gagné tous les crampons. Cette impréparation peut être due à un mauvais encadrement. Le rôle d’agents de joueurs véreux (aux yeux de qui l’après-carrière des footballeurs importe peu généralement) est aussi indexé dans de pareils contextes. Aussi, beaucoup de footballeurs se laissent-ils surprendre par leurs âges ! Pris au dépourvu par une carrière professionnelle qui ne dure au plus que 10 ans (sans compter le nombre de mois de blessures, de mois de contrats non renouvelés), des joueurs prennent tardivement conscience de leur vieillesse et se lancent dans des reconversions tous azimuts et parfois mal adaptés à leur profil.

On pourrait aussi évoquer la négligence ou l’absence d’un bon plan de carrière, mais la réalité est que beaucoup de footballeurs professionnels d’Afrique ont très souvent mal à se remettre de leur «petite mort» que symbolise la fin de leur carrière sur les prés, même si cette infortune ne leur est pas propre.

 

Benoît  EKLOU