Le Sénégal sur la piste des biens culturels mal acquis pour restitution

Afriquinfos
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Dakar (© 2018 Afriquinfos) –Des experts se sont réunis dans la capitale sénégalaise afin de poser les contours d’un probable retour des œuvres d’art pillées aux pays africains.

53 000 pièces issues d’Afrique subsaharienne composent la collection du musée du Quai-Branly à Paris. Au musée Théodore-Monod d’art africain (IFAN) de Dakar, on en compte plus de cinq fois moins. Entre les murs de ce Musée national sénégalais, une douzaine d’experts étaient rassemblés ce mardi 12 juin afin d’esquisser un plan d’action pour le retour en Afrique d’œuvres issues de vols et de pillages qui enrichissent désormais les collections européennes.

Des historiens, des collectionneurs, des institutionnels ou encore des galeristes se sont réunis autour de l’essayiste sénégalais Felwine Sarr et de l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy. En mars dernier, Emmanuel Macron a chargé le tandem de se pencher sur l’épineuse question de la restitution des œuvres d’art africaines. Mission historique qui fait suite à la demande officielle du Bénin de récupérer une partie des œuvres pillées, notamment lors de la colonisation.

Que restituer, et à qui ?

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Que faut-il rendre, à qui et dans quelles conditions ? Voilà la première question à laquelle devront répondre les experts, « pour réattribuer une part de soi à l’Afrique », pose Felwine Sarr. « Outre l’inventaire, il s’agit de retracer l’histoire des pièces en question et de leur méthode d’acquisition, tranche Bénédicte Savoy. Il faut déterminer s’ils ont été l’objet de pillages avérés ou s’ils ont été donnés ou acquis de manière régulière. » Des critères de restituabilité délicats à définir, et qui pourront être aiguillés d’abord par la période d’acquisition des œuvres. « On considère que l’épisode s’étendant du milieu du XIXe siècle à la fin des années 1950 constitue une période noire, où les spoliations ont été nombreuses. Il faudra ensuite affiner », tranche l’historienne.

Il s’agira de recréer le lien entre les objets éligibles à la restitution et les populations à qui on les a arrachés, explique Felwine Sarr. Soit en les plaçant dans les musées nationaux, soit en les ramenant dans leurs régions ou villages d’origine. « Il faudra définir le rôle que l’on veut faire jouer à ces objets et le dispositif épistémologique dans lequel on souhaite les remettre. Les questions soulevées par la restitution sont d’ordre technique, juridique et politique, mais également symbolique et philosophique », soulève l’essayiste.

Les musées africains vers les standards internationaux

Une inquiétude persiste toutefois : les États africains sont-ils en capacité de prendre en charge et de conserver les œuvres ? « C’est un faux débat ! Tranche l’historien de l’art béninois Didier Houénoudé. Le Bénin est en train de se construire trois grands musés aux standards internationaux (NDLR – À Porto-Novo, Abomey Et Allada). » Pour se donner les moyens des restitutions, le ministère de la Culture du Bénin a mis en place des formations aux techniques récentes de préservation et de restauration des œuvres.

Certains craignent également pour les réserves européennes et le marché de l’art. Pas le galeriste Didier Claes. « Il y a beaucoup d’incompréhension du côté des collectionneurs, qui pensent que le marché de l’art va s’effondrer. Je pense tout le contraire. Plus il y aura d’institutions publiques culturelles fortes dans le monde, plus il y aura d’intérêt pour l’art et plus il y aura de collectionneurs. Ce qui alimentera le marché et fera croître la demande. »